# Ajen, lectrice
Jusqu'au bout. Je n'ai guère de souvenirs de ma rencontre avec la 34ème horde. Tout était dévasté. Ou en passe de l'être. Oroshi m'expliqua par la suite que nous avions survécu au passage d'un furvent. La sixième forme du vent. Animé pour laminé, il engloutit et recrache, nivelant par le vide. Seul le bloc de Golgoth peut le subir sans périr.
Les débuts sont arides. Difficile de prendre le sillage. Derrière les Crocs. Le pack est homogène, les prises fugaces, le vent glisse, les accroches faiblissent. Le style Damasio est hermétique, il faut de la volonté pour le percer. Lecteur, soit plus pugnace que le vent. Ils sont 23, une entité d'où les identités ne s'offrent que sous l'effort. Travail au corps, le visage au sol, épaules contre culs, rasades de sable. Si ça brûle quand tu respires , c'est que tu respires encore. Le Fer, le Pack, un bloc. Au fil des pages, les espaces se dilatent. Je me faufile. Les Crocs, traînent les bagages, un rôle ingrat, un rôle de forçat. Je force. J’attrape des noms à la volée. Coriolis, Caracole, Sov, Golgoth. Les personnalités se dessinent sur une toile fuyante.
23 sur la bande de trace. Golgoth en pointe. 30 années dans le sillage. La marche d'une vie. L'abnégation puissance 23. Pourtant le bloc a ses fissures. 30 ans de vie commune, l'école de l'indulgence, de la solidarité et du courage. C'est dans la durée, au fil des pages, que cette cathédrale humaine livre ses plus beaux vitraux. A fleur de vent. Pour atteindre l'Extreme-Amont, la Horde puise autant dans ses faiblesses que son arrogance. Je sens le lien se nouer, l'instant tant attendu où chaque personnage devient un compagnon. En filigrane, tatoué à l'abrasion, un monde incrusté sur une bande de contre. Une mythologie, une cosmogonie, Damasio le démiurge ne laisse rien au hasard. Son verbe s'envole, convoque poésie, palindromes et néologismes. S'il existe neuf formes au vent, il y a bien un septième ciel pour la littérature. L'imagination, hissée sur huit cents voiles, cap à l'Est.
Les étapes s’enchaînent, les épreuves insurmontables, pourtant, cèdent. La quête de l'Extreme-Amont révèle le vif qui anime chacun d'entre nous. Nous. Car on ne peut rester extérieur à la Horde. Je vibre, avec Erg, face à Silène et sa maîtrise du vif. Je me dissous dans la flaque de Lapsane, aspirée avec Sveziest dans l’œil du typhon. Je fuis le Corroyeur, j'admire Te Jerkka, je suis Caracole et Sov dans leur joute orale à Alticcio, je suis sov dans la tour d'Aer, je suis feuleuse dans la détresse, je suis autour le temps d'un vol, fleuron dans la tourmente, fauconnier dans la honte, Horst et Karst dans les retrouvailles, Golgoth dans la rage, Pietro dans la noblesse et Sov... jusqu'au bout. Je suis avec eux jusque dans leurs doutes. Je suis la horde. Jusqu'au bout.