Vous êtes jeunes, vous formez un joli petit couple et vous cherchez une jolie petite maison pour construire une jolie petite famille. Lors d’une visite dans une agence immobilière, on vous propose un logement dans un lotissement résidentiel labyrinthique où toutes les maisons sont identiques, tout droit sorti d’un délire à la Tim Burton ou David Lynch. Où le ciel ressemble à du simple papier peint, à une toile de Magritte. Où il n’y a aucun bruit, pas même un souffle de vent. Où la nourriture n’a pas de goût, pas de saveur. Où, surtout, il n’y a aucune issue. Vous aurez beau tenter d’en trouver une, vous voilà revenant sans cesse à votre point de départ : votre jolie petite maison pour votre jolie petite famille.
C’est ce cauchemar sans fin que vivent Gemma et Tom, coincés dans une espèce de monde parallèle, forcés de vivre dans cet autre espace-temps qui leur réserve bien des tracas (à l’image de la mystérieuse forêt dans Without name, premier long-métrage de Lorcan Finnegan). Film 100% concept, esthétiquement stimulant, Vivarium se devait, avec un pitch aussi intrigant que prometteur, de tenir la distance sur plus d’une heure et demie en parvenant à le développer, à lui donner du sens, à ne pas le réduire à un simple exercice de style. D’ailleurs Finnegan, pour écrire son scénario, est parti d’un constat économique et social propre à son pays (ces zones et lotissements, victimes de la crise de 2008, devenus depuis des espaces fantômes), sans oublier, en préambule, la mise en exergue de l'étrange pratique des coucous colonisant d’autres nids pour leurs petits, tout le fonctionnement du film pouvant éventuellement se résumer à ce seul fait.
Au-delà donc de l’œuvre-gadget coincée quelque part entre The Truman show, un épisode de Black mirror ou de La quatrième dimension, Finnegan dénonce un quotidien devenu aliénant à force de conformisme et de consumérisme sans repère. La vie de famille imposée à Gemma et à Tom (qu’attend-t-on d’eux, à quelle genre d’expérience participent-ils, et quelle peut en être la finalité ?) a, et sans trop dévoiler évolutions et surprises narratives, tout de la parabole sur le devoir parental (et conjugal) égratigné avec une belle singularité et une pointe de sadisme. Imogen Poots et Jesse Eisenberg, parfaits en époux modèles dépassés par les événements, se prêtent sans faillir à ce jeu (de massacre) qui saura ravir les amateurs de bizarreries filmiques (et les autres).