Film de propagande anglaise sorti en pleine Seconde Guerre mondiale, Went the Day Well? prend le parti original de raconter son histoire en flashback depuis un futur incertain mais proche, rassurant du point de vue d'une future victoire alliée, dans lequel l'Allemagne nazie aurait perdu la guerre. "Old Hitler got what was coming to him", dira le narrateur. Un personnage britannique rustique introduit le cadre de cette pure fiction (aucun fait réel n'y est associé, à la différence de beaucoup d'autres productions similaires) depuis un cimetière exhibant une stèle avec des noms à consonance germanique, et le flashback à suivre en expliquera la raison. Et la raison sera abordée très rapidement : 35 ans avant le film de John Sturges L'aigle s'est envolé, le réalisateur brésilien Alberto Cavalcanti présentait pour la première fois le récit de ce détachement de parachutistes allemands déguisés en soldats britanniques qui envahissent un village fictif isolé de la campagne.
Pas de trace de Michael Caine ici, très peu de têtes connues d'ailleurs (Leslie Banks principalement), mais une faune dense de personnages pittoresques pour incarner les habitants du coin qui se retrouveront prisonniers. Le film est très étonnant dans le ton qu'il adopte, une forme de radicalité que l'on voit rarement à l'époque. Toute la première partie décrit la vie dans ce coin anglais avec une légèreté affichée, avec des personnages hauts en couleur, des enfants aux vieillards, des opératrices aux employés de la poste. On se croirait dans une comédie insouciante, qui évoluerait en dehors du cadre de la guerre, et ce même après que la révélation de l'identité des parachutistes allemands est révélée, tandis que les habitants accueillent avec joie ceux qu'ils prennent pour leurs protecteurs. Dans un second temps, les doutes apparaissent chez certains et on commence à questionner les motivations des nouveaux venus, à la faveur d'un score écrit au dos d'un télégramme avec des chiffres surprenants ou d'une tablette de chocolat viennois. Et quand le plan d'invasion du territoire sera clairement établi, avec tous les habitants constitués prisonniers, le film enclenchera encore une nouvelle ambiance : une violence frontale, sobre, presque silencieuse, qui éclaboussera brutalement la tranquillité des lieux.
"Careless talk costs lives", c'était l'objectif pédagogique et propagandiste du film à l'époque. Le sujet était déjà dans l'imaginaire collectif depuis un moment, et ce depuis la fin des années 30 avec la thématique de la cinquième colonne bien ancrée dans le cinéma — Saboteur, un film américain de Hitchcock, sort la même année et sera renommé Cinquième Colonne en France. Went the Day Well? est d'ailleurs marqué par une gestion intense du suspense, avec de nombreuses tentatives infructueuses pour s'échapper ou alerter l'extérieur, des morts froides et sèches parmi la population (la femme qui sauve des gosses en emportant une grenade vers la fin est d'une brutalité folle), et des actes de violence de la part de ces mêmes habitants tout aussi fous (on gardera bien en mémoire un certain coup de hache de la part de la responsable de la poste). Pas de place pour le mythe du résistant ou pour l'héroïsme triomphant ici.
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