À bord du Darjeeling Limited peut être considéré comme une porte d'accès à l'univers très particulier de Wes Anderson. Les décors y sont naturellement beaux (le nord de l'Inde) et l'histoire simple. Ébranlée par la mort du père, une fratrie tente de se retrouver en s'élançant à la recherche de leur mère. Owen Wilson, l'aîné, est autoritaire, maternel et suicidaire. Adrien Brody n'assume pas la naissance, imminente, de son fils. Jason Schwartzman, le cadet, court les filles et fuit la réalité.
Le jeune texan excelle dans la création de personnages attachants, bien qu'abimés par la vie. Brisés, fêlés, aliénés, écrasés, pourtant, toute trace d'espérance n'est pas morte en eux. Malgré l'abus d'antidépresseurs et d'antidouleurs, ils bougent encore et embarquent dans un fascinant train bleu. Owen Wilson lutte pour recréer un cadre. Il planifie, mène, nourrit... Toujours dans l'ombre d'un père écrasant, les trois frères prient devant des gourous, des bougies et des idoles, multiplient oblations, offrandes et sacrifices. Le train se perd, le train les rejette, mais peu importent le but et le moyen de transport, seul compte le voyage.
Anderson est objectivement un fantaisiste maniériste, il travaille ses décors, abuse des travellings latéraux et des cadrages alambiqués, des filtres orangés et des ralentis, mais ses héros vivent, gémissent et grandissent. Confrontés à la misère et à la générosité de l'indigent, à la mort la plus injuste, à la souffrance et à l'acceptation d'un père dévasté, ils observent, communient et trouvent, enfin, la force d'affronter leur mère. Wes Anderson nous grandit.
PS Si vous avez supporté, voire apprécié, À bord du Djaerdeling limited, vous pouvez passer, sans trop de risques, aux suivants.