La violence des sentiments
Je me souviens de la première fois que j'ai vu ce film, lors d'une projection privée dans un petit cinéma pour ma classe d'option cinéma au lycée, et je m'étais allègrement ennuyé et assoupi, cette Nouvelle Vague ne m'inspirait rien du tout. Une dizaine d'années plus tard me revoilà confronté à "À bout de souffle", et je dois dire que mon ressenti a bien changé.
Si il y a bien une chose que j'avais aimé lors du premier visionnage c'est l'interprétation de Jean-Paul Belmondo, à 27 ans il éclabousse l'écran de toute sa classe, quelques répliques et répartis cinglantes sont jouissives, la réalisation elle faisait plus débat ... Mais avec désormais un certain recul je la trouve brillante et très avant-gardiste, ces nombreux effets de cut, de faux raccords volontaires ajoute une certaine pointe de cynisme, on remarque également certains plans séquences fortement appréciables.
Le gros point fort reste la mise en scène, sans doute avec quelques improvisations et des dialogues percutants riches en messages, Godard bouscule les codes établis, il y apporte un degré unique tout en lyrisme à la limite du théâtral, et ça fait mouche, on comprend là qu'un Tarantino ai été très sensible à son cinéma.
La jeune Jean Seberg quand à elle symbolise le charme à l'état pur, dans le rôle de cette journaliste frêle, maligne représentant la féminité personnifiée et instaurant le féminisme à l'instar du machisme "bogartien" du personnage de Michel Poiccard, leurs rapports sont sensiblement compliqués.
Le seul point faible reste le scénario, pas toujours captivant mais très correct, c'est en quelque sorte un polar décomplexé avec une pointe de romantisme, dépeignant d'avantage la brutalité des sentiments que celle des actes, les deux dernières séquences du film sont mémorables.
"À bout de souffle" est un film immanquable qui a marqué le cinéma de par son inventivité, un coup de maître pour le premier long métrage de Jean-Luc Godard qui fera beaucoup d'émules, brillant !