À bout portant par Alligator
fev 2012:
Je n'ai lu et entendu que du bien de ce film et je m'attendais à prendre ma dose de plaisir. Or, c'est à une déception maousse costaude, bien gaulée de chez Gaulé and co, que j'ai dû faire face. Calibre armoire à glace. On me l'a vendu (le dvd cite les Inrocks) comme un polar noir qui (en gros, je ne me souviens plus exactement des termes) témoignait d'une fin d'époque, celle où le cinéma américain arrêtait d'être sage. Comme si les films noirs antécédents avaient les couleurs bisounours.
Certes le film nous immerge dans un univers brutal, et ce, tout de suite, avec une première séquence fulgurante où l'on voit les deux tueurs entrer dans une institution de jeunes aveugles et venir brutaliser la directrice sans aucun égard pour son infirmité. M'enfin, toutes les scènes de violence sont coupées (à l'exception du meurtre de Cassavetes)... semblerait que le cinéma américain ne soit pas encore assez sauvage pour montrer une femme aveugle se faire violenter.
De toute façon, peu importe! Il est vrai qu'on s'en fout de ces histoires de paternité, d'antériorité. Ce qui compte, c'est le style, le ton, l'originalité, or ce film de Siegel peine à se démarquer de ses précurseurs, dans l'esthétique comme dans la direction d'acteurs.
Parlons-en de ceux-là! C'est sans doute l'un des éléments qui m'ont le plus laissé sur ma faim. A part Lee Marvin qui m'impressionne toujours autant par son naturel et la justesse du moindre geste, je crains que tout ce petit monde soit laissé à une liberté de jeu par trop excessive.
Clu Gulager, qui accompagne Lee Marvin semble forcer sa voix, lui faire prendre un timbre guttural artificiel. Sa dégaine de blouson noir dans son costume cintré et son jeu ampoulé m'ont paru emprunté. A qui? Je ne saurais dire, mais quoiqu'il en soit, il n'était pas à la bonne taille. Ca ne colle pas.
J'aime beaucoup Angie Dickinson et je m'empresse de préciser que cela n'a rien à voir avec mon immodérée adoration de la féminité. Souvent, cela entre en jeu dans mon jugement. C'est tellement évident que cela serait idiot de le nier. Mais là... même pas! En règle générale, j'ai pour elle une sympathie immédiate qui peut faciliter la manière dont je reçois ses prestations. Cependant, sur ce film-là, je ne suis pas vraiment bouleversé par sa performance. On a pourtant là un personnage "noir" par excellence...
SPOILER :
Seulement, sa duplicité n'est pas bien amenée, sans ambiguïté, sans mystère. D'habitude, la vamp, on la devine. Derechef, on sait qu'elle allume, qu'elle est le poison en chair qui va manger le pauvre hère. Là, on se fait avoir autant que John Cassavetes. Certes, on est surpris, mais ce n'est pas ce qu'on attend d'une vamp, bien au contraire, on veut qu'elle soit garce et qu'on le sache dès le départ, pour mieux suivre la dérive de sa victime. Pfff, jamais content!
FIN SPOILER
Ronald Reagan? Tsss, je n'y arrive pas. Je ne peux pas oublier. Je n'arrive pas à faire abstraction. D'autant qu'il a déjà sa face ridée, il est déjà bien entamé. Est-ce qu'il joue bien? Bof, peux pas dire. Est-ce qu'il a une présence? Nan. Est-ce qu'il fait peur, comme tout bon bad-guy qui se fait respecter? Naan.
Et John Cassavetes dans tout ça? Très jeune... trop ? Il m'a un peu déçu. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi lisse.
J'ai tellement de mal à passer outre sur une distribution absente, quand en plus, le style, le parti-pris formel sont aussi peu conformes à mes attentes, à mes envies de film noir ténébreux, alors forcément, ça m'enfonce un peu plus dans le bougonnage. Avec des éclairages très vifs, un soleil resplendissant, des décors très lumineux, très propres, on est très loin du cinéma sale américain. Beaucoup de scènes extérieures, sans doute par manque de moyens, sont filmées en studio, on voit alors très bien les peintures censées représenter le ciel bleu. L'écran derrière les acteurs donne dans le toc aux scènes de courses. C'est malheureux mais je ne crois pas jamais à ces personnages.
Je ne rentre jamais dans l'histoire ni dans ce cauchemar que doit constituer un bon film noir et glauque. Celui-là est trop blanc, trop plastique. Même pas mal!