On peut regretter le format travaillé par Elio Petri dans À chacun son dû, quand même, qui à mon sens nuit davantage qu'il ne joue en faveur du rythme, de l'immersion et de la sensation d'oppression grandissante autour du personnage principal interprété par Gian Maria Volonté. Même en mettant de côté, pour une fois, tout ce qui a trait à la production cinématographique italienne de l'époque et tout ce qu'elle compte comme soucis techniques de post-synchronisation (à mes yeux en tous cas), je trouve que le cadre est quand même très oppressant, de manière involontaire et désagréable cette fois-ci, avec son recours dénué de parcimonie à des effets un peu grossiers comme le zoom / dézoom et tout ce que la caméra à l'épaule peut induire comme désagréments épileptiques. Je suis aussi à deux doigts de penser que l'interprétation du protagoniste aurait peut-être profité d'un acteur moins charismatique que Volonté car il n'est pas toujours aisé de croire à sa faiblesse psychologique, un point au cœur des enjeux du film, à mesure qu'il explore l'antre des maux italiens.
Quand un film de Petri commence par le meurtre d'un médecin et d'un pharmacien d'un village sicilien pendant une partie de chasse à la palombe, on se doute qu'il ne sera pas question des apparences avancées en première intention, à savoir des relations extra-conjugales de la part de l'un d'entre eux. Surtout que le spectateur est mis dans la confidence au sujet des lettres de menace que l'autre recevait. Surtout quand c'est un ami à eux qui mène l'enquête et que ce dernier se trouve être un professeur et militant politique...
Il y a plusieurs intérêts dans le développement de cette enquête, à commencer par la description de la culture dans cette région de Sicile, avec ses coutumes, ses notables, et l'emprise de la mafia. Mais le principal argument tourne autour de l'engrenage dans lequel cet homme se fourre, dans un premier temps assez courageux, au-delà de son intégrité nette, mais peu à peu prisonnier d'une certaine impuissance en lien avec sa méconnaissance de l'environnement social dans lequel il évolue. Petit à petit, il perd confiance en lui, il transpire à chaque nouvelle rencontre, il cherche à se faire discret — tout en essayant de se rapprocher de la veuve, très convaincante Irene Papas. L'ampleur grandissante des menaces qui se structurent autour de sa personne contribue à une atmosphère très pesante, en dépit d'une première moitié presque légère en comparaison, surtout si on pense à la façon qu'à Volonté de ne pas lâcher l'affaire et coller aux basques de la notabilité locale. La distance imposée par la narration enferme un peu À chacun son dû dans une froideur typique de ces films politiques italiens des années 60-70, mais le final puissamment tragique (ensevelissement d'un corps dans une carrière abandonnée d'un côté, mariage vécu comme une trahison posthume en grandes pompes de l'autre) permet d'en sortir sur une note très positive.
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