Très embêté, parce que j’ai beaucoup aimé… jusqu’à cette fin abrupte excessivement frustrante, qui me gâche un peu mon plaisir.
Coutumier du fait, Cayatte s’inspire ici librement de l'affaire Patrick Henry (qui avait l’année précédente enlevé le petit Philippe Bertrand – et je n’en dis pas plus pour ceux à qui cette affaire n’évoque rien), pour signer, plutôt que l’un de ces grands réquisitoires qui ont fait son succès – à juste titre –, un thriller bien noir et pas moins captivant.
Alors oui, de prime abord, le film ne paye pas de mine ; comprendre par là qu’il a le défaut de tous ces films de Cayatte de la décennie 70 – sa dernière de cinéma –, à savoir une facture franchement télévisuelle, loin de l’élégance et de la rigueur formelle de ses grands titres (sa tétralogie judiciaire en tête). À chacun son enfer a ainsi vraiment les atours d’un téléfilm sans envergure (et c’est d’ailleurs à la télévision que Cayatte finira sa carrière de metteur en scène la décennie suivante, donc on peut quelque part y voir là une transition en douceur vers sa sortie par la petite lucarne), mais ce serait le diminuer que de le cantonner à cela, et un tort de l’ignorer par conséquent.
J’évoquais plus haut un thriller bien noir, c’est effectivement cela ; mais qui commence d’abord comme un drame assez terrible, avec cette brave mère de famille qui signale l’enlèvement de sa fille, et doit rapidement affronter, en plus de cette détresse que l’on imagine insupportable (je n’ai pas encore d’enfants, mais enfin pas compliqué d’imaginer que ce doit être à peu près le pire évènement à vivre pour un parent), tout le cirque médiatique, la police, la famille qui débarque, mais aussi la foule des anonymes – au sein desquels les intrusifs et les tarés –, bref, une certaine vision de l’enfer, en effet. Et n’ayant pas un cœur de pierre, j’avoue avoir été assez saisi par le calvaire subi par cette mère éplorée, à plus forte raison interprétée par une Annie Girardot absolument impeccable – la meilleure de ses quatre perfs pour Cayatte en ce qui me concerne.
(Et j’en profite pendant que j’y suis pour mentionner Bernard Fresson et Fernand Ledoux, tous deux parfaits eux aussi dans les rôles du mari et du papy.)
La mère de famille aux abois, un premier acte déjà éprouvant, et qui n’est pourtant rien en comparaison de ce qui suit, à savoir l’épisode pivot du rendez-vous secret avec le ravisseur, dix minutes d’angoisse nocturne insoutenables ; angoisse qui trouve son apogée avec la scène du sac-poubelle, d’une tension abominable, sommet de terreur de trois minutes, j’étais figé dans mon fauteuil, étouffé au sens presque physique du terme.
Les faqu… détracteurs ne manqueront naturellement pas de crier au voyeurisme malsain devant un traitement aussi doloriste, mais comme leur répondrait un certain poète contemporain : j’m’en bats les couilles frère ; parce que personnellement j’étais captivé, agrippé à mon fauteuil.
Puis le film embraie dans une nouvelle direction, terriblement parano et malsaine celle-ci (plus encore que ce qui précédait), qui m’a agréablement surpris à son tour, parce que Cayatte nous avait bien sûr habitués dans ses films précédents à ce que ce soit noir, mais c’est cette fois-ci presque méchant, ce qui m’a vraiment étonné, mais dans le bon sens du terme. Et je ne dévoile bien entendu pas le pot aux roses, mais la révélation est vraiment choquante (en tout cas pour moi qui ne suis pas un détective-né comme certains ici).
Bref, jusque-là c’était vraiment très bien, j’étais plutôt à fond dedans, avant hélas une fin pour le moins brusque (et accessoirement la même que celle de son précédent film, Verdict – à croire que personne de son entourage n’a cru bon de lui signaler que c’était déjà pas bien la première fois)… Surprenante (pour rester poli) et rageante (pour être très honnête, tant il y avait un dernier acte à jouer à la place).
Et du coup, c’est vraiment frustrant, parce qu’avec une conclusion plus soignée, le film aurait vraiment pu être épatant. Or là je reste tout de même sur un goût amer.
À chacun son enfer, donc.