Un whodunit parfaitement jouissif et maîtrisé de bout en bout. On y retrouve à la fois des codes du film à énigme, de l’humour noir et de la satire sociale, pour un mélange qui fonctionne à merveille. On est aussitôt plongé dans cette enquête comme on les aime : tout le monde ment, tout le monde a un motif, mais aucun ne semble coupable. La première partie de l’intrigue, avec la mise en place et l’introduction des personnages, est superbe. Les portraits sont croqués et même si, en fin de compte, plusieurs se révèlent assez secondaires à l’intrigue, les personnages qui restent centraux parviendront à tirer leur épingle du jeu pour se démarquer des autres. Des archétypes bien définis avec lequel le film n’hésite pas à jouer pour notre plus grand plaisir.
Le seconde partie du film fera monter la tension, car on finit par rencontrer et aborder le point de vue du personnage principal du film. De plus, l’intrigue commencera à prendre un tournant très intéressant, en nous révélant ce qui s’est passé très tôt tout en gardant un arrière-goût amer : on sent que quelque chose ne colle pas, il nous manque une pièce pour assembler le puzzle. Et alors que le suspens grimpe peu à peu, au point qu’on suffoque avec le personnage, les révélations se succèdent sans pour autant dissiper le brouillard qui entoure ce mystère. Cette seconde partie est très prenante, car c’est celle qui happera et nous plongera dans l’énigme, car nous disposons de tous les éléments, sauf qu’on ne trouve pas le schéma pour les réunir.
C’est alors que début le dernier acte, où, à l’image du personnage principal, la tension se réduit un peu mais le mystère ne fait que s’épaissir. C’est alors que Rian Johnson décide de passer à la vitesse supérieure et de résoudre son enquête. Et là, deux écoles peuvent s’affronter. L’une peut juste prétendre que tout sort de nulle part sans de réelle raison et que ça peut paraître précipité, voire bâclé. L’autre peut soutenir qu’on retrouve là le cœur même du whodunit avec l’enquêteur qui finit par assembler toutes les pièces pour résoudre le crime. Et si ça peut paraître tiré par les cheveux, quel whodunit ne l’est pas ? D’autant plus, au bout du compte, tout s’emboîte parfaitement pour expliquer le meurtre et ce qui a suivi. Un régal !
Le casting quatre étoiles ne décevra pas. À part Michael Shannon, que j’ai trouvé sous-exploité même si toujours aussi bon, le reste est impeccable ! Jamie Lee Curtis, Don Johnson, LaKeith Stanfield et Christopher Plummer seront magistraux, j’ai aussi beaucoup aimé les apparitions de Frank Oz, K Callan (cette dégaine, quand même) et celle, un peu plus conséquente, de Katherine Langford. Toni Collette n’est pas mal aussi, mais j’ai l’impression que c’est plus son personnage que son interprétation que j’ai appréciée. Et au-dessus du lot, on aura un Daniel Craig qui se régale dans son rôle avec son accent gimmick, et puis surtout le duo formé par Ana de Armas, toujours aussi incroyable et impressionnante, et Chris Evans, dans un rôle devenu presque antinomique pour lui et avec lequel, pourtant, il est jouissif.
Le film a de nombreux point fort sur son aspect technique également. J’ai beaucoup aimé la musique, qui participe à créer cette ambiance si particulière au genre et qui nous plonge dans le bain dès la première scène. Les décors sont superbes, notamment la maison de Thrombey qui est presque caricaturale dans le genre et pourtant colle parfaitement au personnage et à l’univers du film. Sa géographie est assez claire et même si on la découvre petit à petit dans le film, on n’est jamais perdu. Et une fois de plus, Rian Johnson nous propose une mise en scène superbe, avec une photo fabuleuse (ce jeu sur le grain de l’image et les couleurs, tout est palpable). Certains plans sont assez classiques, mais beaucoup révèlent des messages dans leur structure, et certaines idées ne sont pas mal du tout. L’ensemble est renforcé par un montage efficace qui prend le soin de poser le rythme du récit.
À couteaux tirés est donc un film qui m’avait fait envie dès sa sortie mais que j’avais malheureusement raté. J’ai enfin pu le rattraper (et par chance, dans une salle de cinéma) et je n’ai pas été déçu. Encore plus fort, mes attentes ont été comblées et dépassées et c’est typiquement un film que je regarderai volontiers encore et encore !