J'ai distinctement le souvenir d'avoir vu l'affiche de "A dirty shame" quand j'étais gamin (j'avais 12 ans, faut croire), sur le fronton d'un cinéma, en étant accompagné de mon père.
Ma réaction, évidemment, était "c'est quoi ce bordel ?" (enfin peut-être pas formulé comme ça). Je ne connaissais pas John Waters à l'époque, bien sûr.
Depuis, j'ai pu voir des images de ce film dans un comparatif entre la version ciné et celle non-censurée. Ca me donnait l'image d'un film visuellement très amateur et moche, un film con et gratuit.
Etant donné que je compte voir tous les Waters un jour, je me disais que je verrais sûrement celui-là, mais j'étais pas pressé.
Cependant, il y a quelques éditions de "So film" de cela, il y avait une interview de Waters, où il disait avoir été accompagné par Catherine Deneuve lors de l'avant-première du film en France, et l'actrice lui aurait dit "John, c'était de la poésie".
Ca m'intriguait.

Première surprise : l'esthétique de A dirty shame est plutôt soignée. Cela, le décor de la banlieue US tranquille, et la musique légère dans les premières minutes qui est toute en voix de femmes harmonieuses, m'a fait penser à du Douglas Sirk, qui était déjà la référence de Waters pour "Polyester".
C’est à peu près tout ce que j’aurai de positif à dire sur ce film.
Avant même de voir A dirty shame, je savais qu’il y aurait un problème : John Waters n’a plus ses freaks, ils sont tous morts, du coup le réalisateur prend des acteurs normaux et leur crée de toutes pièces des particularités. Le casting est fou par ailleurs : Tracey Ullman (que je connais surtout parce qu’elle a lancé Les Simpsons dans son show), Selma Blair, Johnny Knoxville, Chris Isaak.
Selma Blair joue une femme avec des seins énormes, en fait des prothèses tellement grosses que c’en est parodique, mais ce n’est pas drôle, juste ridicule. Et évidemment, ça n’a plus le même impact que quand Waters avait dans ses films des personnes véritablement "bigger than life", comme Divine.

Dans A dirty shame, tous les personnages du voisinage des héros sont des déviants sexuels.
C’est difficile à croire que je puisse en venir à reprocher ça à un film de Waters, en ayant vu beaucoup de ses œuvres, mais ce film-ci est trop con et trop vulgaire.
A chaque coin de rue, on trouve un type qui sort ses poubelles bottomless, un gamin qui vous fait un doigt d’honneur, un trio d’homos du type "bears" qui font pleins de jeux de mots de merde sur le nom de cet animal auquel ils s’identifient, ou encore un… sexual healer (??).
Quand on n’a pas affaire à des personnages qui se livrent en permanence à des activités en lien avec le sexe, c’est des gens conservateurs qui se plaignent uniquement des activités sexuelles de leurs voisins : l’un d’eux a retrouvé un préservatif dans son jardin, quelqu’un d’autre un gode dans son puits, encore quelqu’un d’autre parle du mot "boner" qu’on a taggué sur son magasin, … Putain mais on se retrouve dans une autre dimension où le sexe est omniprésent ou quoi ?
A dirty shame est d’une connerie sans précédents dans la filmo de John Waters ; et pourtant j’ai vu Desperate living, qui est sûrement le film le plus immonde que pu voir, mais qui au moins est clair dans son intention de nous embarquer dans une diégèse toute autre que la nôtre. A dirty shame est bien plus con étant donné que Waters veut nous faire croire à un quartier que les déviants sexuels s’approprient ; le simple fait qu’il essaie de justifier ses conneries en faisant du quartier des personnages principaux un îlot indique qu’il n’exclut pas dans son film l’existence du monde réel.
Mais rien n’a de sens pour autant dans ce film. On voit, le temps d’un plan, un type qui boit l’eau des fleurs dans un vase, sans raison, juste comme ça. En plus, on dirait que les plans comme ça, John en a eu l’idée sur le tournage, "on va filmer ça, je sais pas où on va placer ce plan, mais on verra au montage". Et ça finit en insert en plein milieu d’une conversation entre d’autres personnages.

Les répliques, c’est du même niveau : "there’s pubic hair in the air everywhere", "don’t you find it funny that every man in the neighborhood has a penis ?". C’est même pas drôle.
Et A dirty shame est d’un mauvais goût d’un type tout à fait nouveau pour le réalisateur : on peut voir un écureuil en CGI (et ensuite deux écureuils qui s’enculent), un logo de marque de papier toilette qui tire la langue, des mots comme "whore" ou "vagina" en surimpression sur l’image, la mise en image d’expressions comme "my tongue is on fire", des buissons qui ont une érection, …
Les seuls éléments d’un bon mauvais goût dans A dirty shame, ce sont les séquences où les personnages se cognent la tête (ce qui les rend addicts au sexe ou les fait revenir à la normal, comme dans un cartoon) et qu’on voit en surimpression des compilations de vidéos kitschs en lien avec le sexe : des vidéos de prévention ou des films d’exploitation.
On reconnaît là le John Waters qui aime récolter des infos macabres sur tel ou tel évènement tragique ; j’imagine qu’il fait pareil avec les objets et films de mauvais goût, d’autant plus qu’il programme souvent des projections dans des festivals.
Il y a aussi les chansons de A dirty shame, qui sont toutes très niaises ou beaufs.
Bon, il y a aussi dans le film un cameo sympa. Mais sinon, pourquoi est-ce que j’ai vu le film en entier ? Au bout de 15mn je pensais que j’allais arrêter avant la fin.
Surtout qu’arriver à la conclusion de A dirty shame, qui est une accumulation d’idées WTF, c’est comme achever l’ascension d’une montagne de merde.

Le réalisateur d’A dirty shame n’aurait pas été John Waters, cet immondice n’aurait pas existé, ou serait resté dans l’anonymat complet, dans les bas-fonds du cinéma underground, et ça n’aurait pas été plus mal.
En fait A dirty shame c’est un peu tout ce qui constitue le cinéma de Waters… mais en merdique. Affligeant et pas drôle.
C’est incroyable, véritablement incroyable, que ce truc existe.
Fry3000
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le 8 févr. 2013

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Wykydtron IV

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