Le « petit bijou » annoncé du cinéma indé américain arrive enfin sur nos écrans précédé d’une réputation plus qu’élogieuse, et plus d’un an après sa sortie sur les écrans américains. S’il n’est pas le film d’amour le plus bouleversant de l’année annoncé par certains, il n’en reste pas moins une belle curiosité, plus ample et ambitieuse que ce que pourrait laisser entendre ses atours de truc chic.


Après sa version de Peter et Elliot le Dragon (2016), David Lowery revient à la veine plus intimiste du moyen Les Amants du Texas (2013), celle du petit cinéma indé sensible qui n’est de base pas vraiment notre tasse de thé chez Fais Pas Genre. Il en retrouve d’ailleurs les deux interprètes principaux, les on ne peut plus chics et beaux Rooney Mara et Casey Affleck. Ils s’aiment, jusqu’au jour où le personnage masculin meurt brutalement dans un accident de voiture. A la morgue, il se relève sous le drap qui le couvre, devient un fantôme et en profite pour observer le deuil de sa compagne. C’est évidemment cette dimension fantastique qui nous a d’abord intrigués et permis de dépasser notre premier a priori pour s’intéresser plus profondément au film.


Ses premières minutes semblent annoncer un exercice de style un peu ostentatoire d’un étudiant en cinéma américain qui viendrait de voir Jeanne Dielman 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1976). C’est notamment le cas lors de la fameuse scène de « la tarte », où Rooney Mara endeuillée mange entièrement un gâteau qu’une amie lui a apporté, dans un plan fixe de treize minutes. Pourtant, le film opère un petit miracle : celui de permettre en cours de visionnage au spectateur de redéfinir son jugement sur les scènes précédentes. L’intrigue décolle au moment où l’on comprend que le deuil qui intéresse le plus Lowery n’est pas tellement celui de Rooney Mara, la vivante, mais celui du fantôme qui voit cette femme progressivement l’oublier et surtout sa propre présence devenir totalement immatérielle. La très belle idée est de donner à ce fantôme des désirs, une identité, des manques, et de le suivre dans son voyage. Puisque le fantôme va voyager dans le temps pour retrouver la femme qu’il aime, rencontrer son fantôme, ou peut-être simplement retrouver son propre corps, sa propre matière. Il est rare de voir un film changer de direction aussi radicalement en cours de route, tout en étant finalement parfaitement cohérent. Lorsqu’on comprend que le récit traite en fin de compte essentiellement du sujet du temps, alors tout le traitement qui a précédé prend son sens. Lowery fait exister ce temps qui passe, l’absence, par son traitement de la durée qui n’apparaît plus alors comme un appareillage chic mais comme une véritable et belle intention. D’un coup, on aime cette scène de la tarte, et même les « scènes d’amours » qui paraissaient d’abord un peu sirupeuses et gratuitement vaporeuses.


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PjeraZana
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le 26 déc. 2017

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