Ce premier long-métrage est sorti porté par la hype et des arguments de vente frelatés : le « western spaghetti iranien » à la sauce vampire n'est iranien qu'en surface ; et sa surface est brillante. A girl walks home alone est un clip dans l'âme ; un roman graphique a été conçu dans la foulée, le film se rapproche déjà de cet état d'esprit. Son univers semble fini, nous sommes conviés à la présentation des pièces de choix. La synthèse est forgée par des souvenirs vrais ou faux, des icônes et des imaginaires d'une auteure ; elle regorge de séquences fortes et de plans sublimes, se repose sur un scénario rachitique, des thématiques qui le sont autant : les images et les coups de folie sous contrôle « will make sense ».
Le tournage s'est déroulé en Californie ; la réalisatrice a des origines iraniennes mais est née en Angleterre et vit aux États-Unis depuis toute petite. Cependant le film est tourné en persan (et diffusé en VO) et situé dans un Iran fantasmatique, le geste se voulant volontiers « surréaliste ». Le rythme est lent, certaines séquences se déroulent au ralenti, mais ce ralenti est le temps des personnages. Le ton est lyrique et libre, sans charges, les ingrédients étant minimalistes, l'emphase subordonnée aux paillettes dégoulinantes de ce songe en noir et blanc. L'essentiel est dans l'ambiance et la succession de stases romantiques, ou simplement de délitements poseurs, soutenus par une BO tradi/électro-pop entre complaintes sereines, petits élans pleins de félicités et glamour pas toujours frais (Dancing Girl de Farah).
L'horreur, quelque soit sa nature ou son objet, est au service des fantaisies ; elle envoûte sans encore avoir le pouvoir d’ensorceler. Pas d'émotion, mais un équilibre entre froideur industrielle et perpétuels mouvements d'évasion, aboutissant à une éclaircie concrète, enfin et avec naturel, lors de la scène enrobée par le Death de White Lies. Autour l'Humanité semble avoir foutu le camp ou se réfugier dans le cocooning, pas nécessairement enfumé mais n'en ayant plus le besoin à ce stade d'inertie. L'entourage direct de la fille vampire semble toujours fatigué, les rares autres portions d'humains imitent la vie avec raideur ; dehors la nuit pendant qu'elle flotte, ses futures victimes sont rares ; quelques-uns poussés par leurs désirs crus et un entrain physique peu adapté à ce contexte de zombies.
Ces aventures d'une Bathory en tchador évoquent un peu Coppola dans ses heures excentriques (Tetro, Twixt), ou Sion Sono lorsque sa passion du glauque tranquille prend le pas sur la farce (Cold Fish). Face à ce rejeton élagué et plutôt souriant (cotonneux au moins) des Prédateurs, le goût pur fait la critique (les humeurs éventuellement – l'ennui menace), puisque tout est fondé sur l'esthétique et les manières. Amirpour est manifestement sous l'influence de Jim Jarmusch, nourrie au cinéma 'indépendant' américain et au vintage (les personnages sont inspirés d'égéries diverses des années 1950-1960, comme Sophia Loren ou James Dean) habilité par Sundance et les variétés de hipsters. C'est d'ailleurs à ce milieu qu'elle doit sa reconnaissance : co-produit par Elijah Wood (via SpectreVision qu'il a fondé en 2013), A girl est l'adaptation de son court-métrage (éponyme) vainqueur 2012 du Noor Iranian Film Festival (qui se déroule à Los Angeles).
https://zogarok.wordpress.com/2015/12/29/a-girl-walks-home-alone-at-night/