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« Caïn se retira loin de devant Jéhovah, et séjourna dans le pays de Nôd, à l'est d'Éden. » Cet exil biblique fait suite au meurtre d’Abel par son frère. Cette même Bible dans laquelle Aaron, frère de Moïse, est une figure prophétique et pure, et Caleb est un espion, convoitant les richesses des terres voisines et possédant un tempérament violent. Quant à Adam, pas besoin de piqûre de rappel.
C’est sur ces trois personnages de l'œuvre fleuve de Steinbeck qu’Elia Kazan concentre son film, le père Adam et ses deux fils, Cal et Aaron. L’un est impétueux, sauvage et en recherche de reconnaissance paternelle. L’autre est le fils idéal, propre sous tous rapports, destiné à être marié à la tendre Abra. En toile de fond, la Californie rurale de 1917 et une entrée en guerre imminente.
Le film s’ouvre sur Cal, porté par un James Dean magnétique, tout en intensité retenue et dont la carrière aurait pu être monumentale s’il n’avait été fauché dans la fleur de l’âge. Celui-ci suit une femme rentrant chez elle après un dépôt à la banque de Monterey, ville malfamée. Cette femme, c’est sa mère qu’il croyait morte et enterrée. Une mère absente qu’il associera au mal, en opposition à l’apparente bonté irréprochable de son père, en opposition à son frère parfait.
East of Eden, c’est l’histoire d’un adolescent en quête d’affranchissement au déterminisme, d’un gamin qui ne sait pas quoi faire pour être aimé et dont la nature agitée provoque le rejet de la société. Sauf celle qui préfère la rationalité au prêchi-prêcha. C’est la trajectoire d’un Cal intelligent, émotif et déboussolé qui veut plaire à son père, mais se plante à chaque fois. C’est l’empathie d’une Abra qui voit le bon là où tout le monde voit le mal. C’est l’hypocrisie du puritanisme qui préfère occulter certaines réalités. C’est le portrait d’une Amérique en plein chamboulement. C’est une tragédie intemporelle servie par un casting qui crève l’écran et un réalisateur qui a le sens du détail. C’est une succession de déchirements émotionnels. C’est un chef d'œuvre.