En allant voir A.L.F, je pensais que c'était un film engagé. Je me trompais: c'est un film TRES engagé.
L'histoire s'articule autour d'un commando illégal organisé pour sauver des chiens destinés aux laboratoires. On alterne entre la garde à vue de Franck Kovick (Alexandre Lainier) et la préparation du commando, et le récit se recompose à partir de petites scènes. Certaines sont entrecoupées d'images d'archives, souvent difficiles à regarder, où l'on voit des animaux torturés ou tués. Ces images semblent hanter les pensées et les souvenir de Frank et des autres membres de l'équipe, et elles donnent tout son caractère et son intérêt au film.
Ce film est un OVNI. Il donne un point de vue totalement nouveau sur ces commandos de l'Animal Liberation Front qui enfreignent la loi pour sauver des animaux de la torture et de la mort, des gens que l'on considère habituellement tantôt comme de doux dingues, tantôt comme des "écoterroristes" dangereux, en tous cas toujours comme fous et à côté de leurs pompes. Ils apparaissent ici dans toute leur complexité, à la fois désabusés et pleins d'espoir, fragiles dans leur sensibilité, forts dans leur détermination, remplis de peur, de dégoût et d'amour; leurs préoccupations ne sont jamais tournées en ridicule. Certains seront peut-être rebutés par son aspect très engagé, mais c'est ce qui fait de ce film ce qu'il est, toute sa force est là. Ces scènes sanglantes, en filigrane, hantent le récit de ces personnes qui ont tout risqué pour sauver quelques chiens. "Ce ne sont que des chiens", dira le commissaire de police à un Franck torturé, beaucoup moins par sa garde à vue et les dilemnes qui s'offrent à lui, que par l'état du monde et les massacres dont les animaux sont victimes. En plus des images d'archives qui reviennent régulièrement, un compteur défile pendant certaines scènes: il indique le nombre d'animaux morts dans des laboratoires depuis le début du film. Il s'arrêtera à 150 000. Frank pose une question qui demeure sans réponse: qu'ont-ils fait pour mériter ça?
Certains aspects du film auraient pu être mieux exploités. Il y a quelques longueurs et certaines scènes m'ont un peu perdue au début avec la multiplication des personnages. J'ai aussi eu l'impression que les scènes de garde à vue manquaient de réalisme, les flics m'ont semblé beaucoup plus gentils que ce que m'ont rapporté les personnes ayant subi des gardes à vues. Mais peut-être le réalisateur ne voulait-il pas détourner l'attention des vraies victimes (les animaux) et faisant malmener le personnage. Et sans doute Franck est-il déjà suffisamment torturé sans qu'on le maltraite lui.
J'ai été surprise que ce autour de quoi toute l'histoire s'articule, c'est à dire le sauvetage des chiens, ne soit jamais montré en lui-même : on ne saura que ce qui s'est passé avant et après. Mais je pense finalement que c'est un bon choix. Il n'y a aucun animal acteur dans ce film. Tous les animaux que l'on voit sont véritablement victimes de torture, et tout transpire en eux la terreur et la souffrance. Leurs regards sont remplis d'une douleur authentique et saisissante. Aucun animal (et même probablement aucun humain) ne peut jouer cette douleur.
Il y a aussi une très belle scène dans laquelle une de membres du commando récite un texte de Victor Hugo qui fait un trèc bel écho au reste du film.
Ce film ne plaira pas à tout le monde. Ceux qui pensent que ce ne sont effectivement "que des animaux" et que ça ne vaut pas le coup de s'en faire pour si peu, auront sans doute l'impression de perdre une heure et demi de leur temps. Mais pour qui peut l'apprécier à sa juste valeur, pour qui a une place dans son univers pour la souffrance d'êtres non-humains, et pour qui est prêt à accepter de considérer ceux qui s'en préoccupent comme autre chose que des cinglés, je pense qu'il vaut le coup d'être vu, et il mérite largement sa note.