A l'ouest des rails fait partie de ces films dont beaucoup de cinéphiles ont entendu parler, mais que très peu ont vu.


Il faut dire que l'idée de se coltiner un documentaire chinois de plus de 9 heures (oui, vous avez bien lu) sur la fermeture d'un complexe sidérurgique géant (vous lisez toujours bien), peut en refroidir plus d'un.


Cette critique concerne la première partie du film (Rouille), qui dure un peu plus de 4 heures.


La première comparaison qui m'est venue à l'esprit, c'est Alien. Passée une fascinante introduction sous forme d'un long travelling avant, monté sur un train s'enfonçant dans l'usine enneigée, le film impose tout de suite un point de vue quasi onirique sur ces lieux gigantesques (plus d'un million d'ouvriers ont travaillé dans ce complexe), dans lesquels les hommes paraissent des fourmis. Au milieu du métal en fusion, ils semblent démunis et en danger. Lorsqu'on les voit dans l'intimité de la salle de repos, ou dans les bains, on songe à des explorateurs se réchauffant dans le cocon de leur vaisseau spatial.


Le film, contre toute attente, n'est pas ennuyeux.


Il alterne trois types de séquences, ce qui ne laisse jamais la monotonie s'installer :



  • les vues magistrales des lieux industriels, véritables poèmes visuels

  • les scènes de groupes, captivantes et profondément dépaysantes (karaoké entre collègues après le travail, séjour à l'hôpital pour traiter les maladies dues au plomb, jour de paye, jeux d'échecs chinois, discussions sur l'avenir de l'usine, essais de vêtements)

  • les interventions de personnes seules face à la caméra, qui sont autant d'historiettes émouvantes et parfois bouleversantes


Wang Bing sait faire ressentir le temps qui passe (les évènements se déroulent sur plusieurs années) et de nombreux évènements marquants scandent le récit (un ouvrier est licencié, un autre meurt accidentellement dans une mare, du métal en fusion se répand accidentellement sur le sol..). On s'attache progressivement à ces Chinois qui paraissent toujours stoïques face à l'absurdité ubuesque de certaines situations.


Le film parvient ainsi à tenir en haleine (une gageure !), tout en présentant un objet qui ne ressemble à aucun autre et qui laissera à coup sûr son empreinte dans l'histoire du cinéma.

Christoblog
8
Écrit par

Créée

le 16 avr. 2018

Critique lue 670 fois

2 j'aime

Christoblog

Écrit par

Critique lue 670 fois

2

D'autres avis sur À l'ouest des rails

À l'ouest des rails
-Absalon
7

Des rails et des sons

Pour commencer, reprenons une paire de phrases que l'on doit à un célèbre moustachu, et mettons les en parallèle avec ce que nous montre le début du film de Wang Bing, que dis-je, le film ! plutôt ce...

le 1 mars 2015

9 j'aime

1

À l'ouest des rails
Docteur_Jivago
9

Comme un train qui n's'arrête jamais

Fresque en 3 parties, A L'Ouest des Rails permet à Wáng Bīng de nous emmener tout droit dans le centre industriel de Tie Xie, dans un quartier de Shenyang, au nord-est de la Chine, initialement...

le 19 mai 2024

7 j'aime

À l'ouest des rails
EricDebarnot
6

Epreuve d'endurance

Assister aux 9 heures de "A l'Ouest des Rails" a tout de l'épreuve d'endurance, ce qui n'est sans doute que rendre justice à Wang Bing qui a filmé, petite caméra DV à la main, 3 ans durant, la...

le 25 mai 2015

5 j'aime

Du même critique

Megalopolis
Christoblog
9

Magnifique, démesuré et d'une vulgarité éclatante

A quelles conditions aimerez-vous Megalopolis ?Si vous aimez les films dont rien ne dépasse, cohérent de bout en bout, maîtrisé et de bon goût, alors n'allez pas voir le dernier Coppola.Si au...

le 24 sept. 2024

40 j'aime

8

Leto
Christoblog
4

Un film sûr de sa force, et un peu creux.

Leto est un bel objet, qui plaira aux esthètes, aux journalistes de rock, aux défenseurs de Kirill Serebrennikov (le réalisateur du film, persécuté par le pouvoir russe), aux fans d'Iggy Pop, aux...

le 7 déc. 2018

38 j'aime

8

Pacifiction - Tourment sur les îles
Christoblog
2

2h45 de vie volées à chaque spectateur par ce qui se rapproche le plus de la torture au cinéma

Mes plus anciens lecteurs savent la force de mon ressentiment envers Albert Serra, depuis une séance calamiteuse du Chant des oiseaux, durant laquelle j'ai cru mourir d'ennui.Mais n'étant pas...

le 18 nov. 2022

35 j'aime

8