Mes plus anciens lecteurs savent la force de mon ressentiment envers Albert Serra, depuis une séance calamiteuse du Chant des oiseaux, durant laquelle j'ai cru mourir d'ennui.
Mais n'étant pas enferré dans mes certitudes, et immergé que j'étais dans l'atmosphère émoliente d'un dernier jour à Cannes, j'ai décidé de me farcir Pacifiction en rattrapage, le dernier jour du Festival 2022.
Mal m'en a pris : j'ai revécu les mêmes sentiments qui m'avaient assailli lors de ma première expérience avec Serra. L'impression constante que le réalisateur joue avec mes nerfs, qu'il se moque complètement de mon plaisir et qu'il n'est conduit que par les errances de son imagination souffreteuse.
C'est peu dire que le film peine à remplir les 2h45 qu'il vole à la vie de ses spectateurs. Chaque plan pourrait durer 2 fois moins, 10 fois moins, ou pourquoi pas 10 fois plus que sa durée actuelle : cela ne changerait rien à ce que le film raconte, ou plutôt ne raconte pas.
Car en réalité l'oeuvre de Serra est probablement plus proche de l'art contemporain que du cinéma. La narration y est inexistante, et le peu d'intérêt qu'on trouve à suivre les indigentes pérégrinations de Magimel réside dans une atmosphère qu'on pourra qualifier de psychédélisme éthéré, ou de spleen queer tropico-kitsch, façon Mandico sous léxomyl.
Dans ce brouet arty sans queue ni tête, on ne sait pas dire ce qui est le plus terrible : la banalité éculée d'un fantasme politique de pacotille, l'esthétique de brochure publicitaire, l'ambiance mal digérée de film d'espionnage ou les effluves malsaines d'un néo-colonialisme dont le deuxième degré n'est pas avéré.
A éviter.
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