Dans un hôpital psychiatrique municipal du Yunnan (au sud-ouest de la Chine) accueillant plus de 200 patients (hommes et femmes), le cinéaste Wang Bing (À l'ouest des rails - 2003) y a posé sa caméra et à suivit l’errance et la solitude de ces derniers pendant 4 mois. Ils sont tous internés contre leur gré, aussi bien par leur famille que par la justice. Parmi eux se trouvent des patients violents et non-violents, meurtriers, toxicomanes, alcooliques, atteints de dépression nerveuse ou tout simplement pour avoir participé à une pétition (opposants au régime) ou étant atteints d’une déficience intellectuelle.
À la folie (2013) 瘋愛 est une immersion au sein d’un hôpital psychiatrique, comme l’avait déjà fait auparavant Frederick Wiseman (Titicut Follies - 1967) ou encore Raymond Depardon (San Clemente - 1982). Du cinéma vérité, sans fioriture où le réalisateur est au plus près des patients, caméra au poing, il suit leur moindre faits et gestes, de leur chambre en passant par la salle commune. Cet hôpital est sur 3 niveaux, les femmes sont regroupées au rez-de-chaussée tandis que les hommes sont aux étages supérieurs. Pendant toute la durée du tournage, le cinéaste l’aura passé au 2ème niveau où toutes les chambres donnent accès à un seul et unique couloir circulaire, comme une coursive donnant sur une cour extérieur inaccessible car les barreaux viennent rappeler que cet hôpital est avant tout une prison (que leur reste-t-il de leur liberté ?). La vétusté de cet hôpital ne fait aucun doute, les murs décrépits détonnent avec le blanc immaculé des draps (sans doute la seule chose de propre dans cet établissement).
Ce qui choque en premier lieu, c’est de constater que, quel que soit le motif pour lequel ils sont internés (meurtriers, déficients ou opposants politique), ils se retrouvent tous au même endroit et ce, quel que soit leur degré de dangerosité. Les internements oscillent entre les longues et les courtes peines, 3 ans pour l’un et jusqu’à 20 ans pour l’autre.
Pendant près de 4h (sur 300 heures de rushes), le réalisateur nous emmène à leur rencontre, ils tuent l’ennui comme ils peuvent, ils errent sans but dans ce couloir sans fin ou passent le plus clair de leurs temps allongés dans leur lit. Le corps se meurt à petit feu aussi vite que l’esprit (non sollicité) se dégrade. Bien souvent, on a l’impression qu’ils sont sans surveillance (on voit rarement les médecins), aussi bien le jour que la nuit. Certains patients urinent dans leur chambre, d’autres à même le couloir. Leur chambre est devenue leur unique refuge et leur lit un havre de paix où ils méditent, mangent, fument voire même s’échangent quelques caresses et plus si affinités (en partageant parfois le même lit). Certains sont littéralement assommés par les médicaments et d’autres reçoivent de la visite.
Alors que les ¾ du film se déroulent intégralement au sein de l’établissement psychiatrique, comme une bouffée d’air frais, le réalisateur va jusqu’à suivre un patient en permission de sortie, se rendant à cette occasion chez ses parents. Ce sera la seule et unique fois où il nous sera permis de voir autre chose que cet hôpital crasseux.
La folie des hommes dans la Chine contemporaine, celle que l’on n’a pas l’habitude de voir, voilà ce que nous permet de voir Wang Bing.
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