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Les non-dits sordides en plein jour & l'ivresse des obsessionnels

Ce film est une de ces petites merveilles qui se relève par hasard ; on part pour un programme à suspense ou d'horreur quelconque en l'espérant savamment dosé et saignant, on trouve effectivement un produit formellement sans importance - mais parfaitement juste. Le charme et l'intelligence de Night Warming viennent de sa faculté à souligner la bêtise, la cécité et les passions tendres ou mauvaises qui font les gens (y compris chez les contributeurs secondaires comme cette voisine commère guillerette et complaisante, mais saine de fond malgré ses instincts pitoyables – une ronde en tout) ; on peut trouver ça caricatural ou excessif, effectivement l'outrance règne – l'outrance d'individus sous pression. Et spécialement celle de cette effroyable tante Cheryl, une de ces femmes profondément jolies mais dissuasives à la première seconde – trop dures et demandeuses, avec cette mauvaise foi obscène faisant paraître un humain l'égal d'un pantin, minauderies malvenues à l'appui.


L'inceste corrompt tout l'univers de Billy. Tante Cheryl parvient à peine à dissimuler sa motivation brûlante – puis se contient de moins en moins à mesure que sa cible lui échappe ; c'est sous les yeux de tous, tout le monde le voit, personne n'ose comprendre (la manipulation comme les traînées de sang dans le frigo). Car le déni est un mode de vie, dont a bénéficié un temps le prof homo – les élèves semblent à la fois ignorer mais intégrer ses goûts sexuels, au maximum en jouent comme d'une rumeur qui n'aurait de fondement que potache ; pourtant l'atmosphère au début est si explicite, ç'en devient indécent (mais tellement innocent par rapport aux séductions et aux gestes sournois de tatie d'amour qui n'a jamais compté ses sacrifices – comment lui refuser retour sur investissement !? Quel enfant serait si ingrat et mauvais ?!). La malade frustrée ment en pleine figure à un adolescent qui a eu cette duperie permanente pour compagnie. On voit l'essentiel venir (à moins d'être parti sur un a-priori dubitatif), on en souffre et profite d'autant mieux. C'est savoureux de précision et de méchanceté.


Les moteurs secrets passent donc incognito jusqu'à ce qu'arrive un regard extérieur non embrumé (par la sympathie, la niaiserie, ou le besoin pratique de ne pas ajouter les horreurs des autres à son propre fardaud) ; avoir assez de malice en soi fait office d'empathie chez un homme de la trempe de Carlson. Amateur de chiens réputés agressifs, théâtral dans sa fermeté, méticuleusement abusif dans son exercice de l'autorité, l'inspecteur se signale en bonne caricature de mâle alpha chérissant les signes ostensibles, niant vigoureusement tout ce qui peut contrevenir à son idée fixe soutenue par des démonstrations ras-du-bitume et des intuitions de vieux con génial tant qu'il n'a pas l'esprit échauffé par l'émotion ; lui sait ce qu'est un pédé et il sait les reconnaître ! (mais où puise-t-il cette science ?)


C'est juste ; et c'est une foire, donc une sorte de bouffonnerie (parce que voir le pire sous un angle crû, amoral et avide, donne toujours cette impression). Dès le départ Night Warming tient du nanar (cette VF empruntée aux Zinzins de l'espace !), avec ce visage maléfique révélé sitôt les victimes sorties du champ, puis cet accident invraisemblable – un spectateur mal disposé enfoncera le film sur ce motif et personne n'aura tort de l'accuser d'être kitsch ; mais ce ridicule participe de sa crédibilité ; seul l'excès et l'accumulation nous rappellent que nous sommes devant une fiction - pour le reste, nous sommes dans un documentaire, face à ce qui pourrait croiser la vie de n'importe qui et la lui ferait regarder de façon neuve. C'est plein de détails et de faux hasards grossiers comme la réalité en pond et le cinéma généralement les lissent, de sabotages triviaux, subtils ou énormes d'un garçon que sa chère tutrice n'a aucun scrupule à humilier ou compromettre – tant qu'il demeurera sa chose, peu importe qu'il s'abîme.


Les scènes mortelles sont hilarantes tant la folie, l'injustice et l’imbécillité y atteignent leur paroxysme (et sans que la victime soit toujours la plus à plaindre) ; le climat psychologique est terrifiant ; l'évidence des tares à l’œuvre rendent la séance odieuse mais magnétique – (deux) prédateurs ivres et bornés sapent l'existence des bonnes 'âmes' douces, honnêtes ou raisonnables et médiocres. Quand Cheryl demande avec une pudeur sur-faite à son neveu s'il savait que son prof était homosexuel, puis se met à hurler comme une dégénérée à propos de ces supposés cinglés : on ne touche plus terre. C'est de la crispation des plus communes mais décuplée par la folie, qui lui donne cette sorte de charisme qu'ont les gens dominés par leur animalité, leur instinct ou obsession - les gens sans scrupules. La présence du personnage de Susan Tyrrell est comparable à celle de Bette Davis dans Baby Jane, sans diffuser sa tristesse morbide. Sa démence croit exponentiellement et la housewive guindée finira en Gollum vaginiste hargneux. Ce film doté de tous les atouts possibles pour un projet fauché est d'une vérité sauvage.


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le 20 nov. 2021

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