The man who makes a mistake can repent.
Savoir que Terrence Malick sortait un nouveau film si rapidement m'avait enthousiasmé. Et puis, ce n'est pas comme s'il l'avait rushé, puisque le tournage était terminé avant que Tree of Life ne soit sorti.
Bien que très controversés, j'ai beaucoup aimé les derniers films du cinéaste. Je comprends parfaitement qu'on y soit hermétique puisqu’ils font appel à énormément de subjectivité, essentiellement car ils sont relativement longs et lents. Mais ils éveillaient quelque chose en moi, un sentiment que nul autre film n’avait réussi à m’évoquer, une sorte d’écho direct avec des émotions profondes. Et pourtant, si ça peut en rassurer certains, au début de Tree of Life j’ai eu très très peur... avant d'être finalement largement réjoui.
C’était donc relativement confiant que je me lançais dans l’encore plus controversé A la merveille. Le film parle d’amour, et je n’avais jamais vu l’amour aussi bien filmé que dans Le Nouveau Monde. Ce nouveau métrage avait tout pour me vendre du rêve.
A commencer par ses images magnifiques et cette manière de filmer absolument incroyable, deux éléments encore au rendez-vous. Il n’y a pas à dire, A la merveille est un régal pour les yeux, de tous les instants. La photographie est à tomber par terre et les plans, pourtant tous très très courts, forment tous autant de tableaux différents. Quand je repense au film, je n’ai pas à faire beaucoup d’efforts pour me rappeler de ces personnages marchant dans la boue, courant dans les champs, avançant dans les églises, roulant à toute allure en direction du Mont Saint-Michel. Tout est fait de cadrages saisissants, d’effets de lumière sublimes, de mouvements hypnotisants. Malick a cette manière de filmer au plus près de ses acteurs pour nous en rapprocher toujours plus et saisir l’insaisissable. En cela, et même si certains diront qu’il fait toujours le même genre de plan (le soleil à travers les branches, par exemple), c’est toujours un exemple de maitrise pour nous immerger dans un univers poétique où le spectateur éveille ses sensations.
Malheureusement, tout n’est pas aussi maîtrisé dans ce film, où le scénario sensé nous raconter de manière pessimiste des individus en errance, à la recherche constante de leur épanouissement, ne parvient pas à convaincre.
Pour commencer, là où la voix off – caractéristique du cinéaste – était dans les précédents métrages un point fort, elle est ici la plupart du temps assez immonde. Et là je parle essentiellement des passages en français. J’ai lu ici et là que c’était sûrement le français qui se portait mal à la poésie Malickéenne… et je ne suis pas d’accord. Attention, instant confession douloureuse : j’ai vu Tree of Life au cinéma en VF (j’avais pas le choix, y’avait pas la VO bordel :’( ). Et la VF passait très bien dans ces voix off, ça ne m’a pas du tout empêché d’apprécier le film. Les phrases poétiques rendaient très bien dans notre langue française.
Mais là pas du tout. Pour moi il n’y a pas mille et une raisons. Quand Olga Kurylenko dit son texte, elle n’y croit pas, ou du moins elle n’y met pas toute son âme. Or, ce sont des phrases mystico-poétiques qui nécessitent de venir du plus profond de soi, pour qu’on y croit, que ce soit presque du déchirement ou de l’épanouissement. Il faut beaucoup de justesse. Un exercice très difficile, oui. Mais là, Olga m’a donné l’impression de réciter une poésie apprise par cœur. C’est vraiment dommage car dans le film en tant que tel elle joue plutôt bien. Mais quand elle dit « Tu étais un homme aimant !! », je sens quelle force le trait et ça me fait rire au lieu de me déchirer, quand elle dit « J’écris sous l’eau ce que je n’ose dire » je me dis que c’est une jolie phrase, mais que si elle y mettait un peu d'émotion ce serait mieux quand même, etc... Bref, ce facteur de non immersion m’a profondément navré pendant le film.
L’autre facteur, c’est ce Ben Affleck parfaitement muet, qui tire la même gueule pendant tout le film sauf quand il rigole (rare), qui semble sous anesthésie et ne pas vivre dans le même monde que les autres protagonistes. Ainsi quand tout le monde tombe amoureux de lui, je n’y crois pas une seule seconde : il est antipathique tout le long, ou presque, how the fuck ?!!
De manière générale, je n’ai pas cru au film, car je n’ai pas cru aux situations et en l’implication émotionnelle des personnages. Non, l’amour ce n’est pas qu’aller courir dans les champs en famille, surtout pas cinq fois dans le même film. Ca marchait dans Le Nouveau Monde car Pocahontas est une fille de la nature, donc ça fait sens, mais pas ici. De même, s’aimer ce n’est pas que faire joujou avec des rideaux pile quand il fait beau, ça fait des belles images ça c’est certain… mais au-delà des belles images, on nage dans le cliché.
Je n’ai donc pas compris comment ces personnages pouvaient s’aimer, ce désaimer, s’aimer à nouveau, se détester à ce point… On loupe des étapes dans la narration. C’est un effet narratif voulu, je n’en doute pas, mais ça m’a totalement sorti du film.
Mais malgré tout cela, je ne peux pas détester le film. Il cherche à montrer des personnages en errance, prisonniers des petits riens qui pourrissent parfois la vie, prisonniers de leurs choix, de leurs incertitudes, et au fond c’est vrai que c’est cette ambiance que je retiens du film. J’y ai même cru dans la dernière demi-heure (en excluant les deux dernières minutes), ce qui m’a remonté le moral. Il y a une volonté de raconter quelque chose, mais un grand manque de maîtrise à mes yeux. Et pourtant… pourtant il y a quelques éclats de génie, une véritable tension entre les personnages dans certaines scènes, des plans intelligents (notamment quand Olga hésite à monter l’escalier), un Javier Bardem excellent comme toujours, un propos qui frappe parfois juste.
Parfois. Pas toujours.
C’est vraiment dommage que Malick se soit raté dans ce qu’il a voulu raconter, à trop vouloir trouver des scènes allant avec ses images, plutôt que de trouver des images allant avec des scènes crédibles… Malgré tout, ce sont tout de même ces images qui sauvent le film, car sans elles ma note serait bien plus basse. C’est simplement triste qu’elles ne frappent pas comme avant.
Ne t'inquiètes pas Malick, comme tu le dis toi-même dans ce film, Jésus pardonne à ceux qui font des erreurs et qui se repentent.