J.C. Chandor est définitivement un réalisateur obsédé par la solitude. Son dernier film « All is Lost » sorti en 2013 mettait en scène ni plus ni moins que Robert Redford pris dans la tourmente avec son voilier au beau milieu de l’océan. Un film presque sans musique, presque sans dialogue, qui arrivait pourtant à nous captiver de bout en bout. Avec son nouveau film « A Most Violent Year » sorti à la toute fin de l’année 2014, il explore un nouveau type de solitude : celle d’un chef d’entreprise tiraillé de tous les côtés, avec pour seul principe celui de rester honnête.
Et qui de mieux qu’Oscar Isaac pour interpréter ce rôle, qui jouait déjà parfaitement la fatigue et l’obstination dans « Inside Llewyn Davis ». Dans un New-York des années 80 absolument méconnaissable, ce dernier joue donc un homme d’origine mexicaine à la tête d’une entreprise de livraison de fioul. Il signe dès le début du film un contrat pour acheter un terrain stratégique pour l’expansion de son entreprise, au risque de la faire couler s’il ne s’acquitte pas du prix du terrain au bout de trente jours. Les enjeux sont donc posés très rapidement, et le film ne souffre d’aucun manque de rythme. Pourtant, un film de gangster presque sans scènes d’actions et presque sans musique, ça ne paye pas de mine.
Mais grâce tout d’abord à une performance d’acteurs convaincante pour le couple Oscar Isaac – Jessica Chastain qui était déjà haute en couleur dans « Zero Dark Thirty », le film s’en sort avec les honneurs. Mais ce qui captive le plus, c’est la psychologie de son personnage principal, à la fois impassible et anxieux, honnête et implacable. Il est par exemple tout l’inverse du personnage de « Night Call » dont l’amoralité le met en décalage complet avec la société dans laquelle il vit, sans pourtant l’en écarter. Ici, c’est justement parce que le personnage veut absolument rester honnête et dans la légalité qu’il est en décalage avec ceux qui l’entourent. Que ce soit sa femme, son associé, le syndicat des chauffeurs de camion ou les petites frappes qui lui volent son fioul, tous le poussent à devenir un gangster. Chandor met ici en scène un état d’esprit et un fonctionnement à New-York complètement révolus alors que cela se passe il y a seulement trente ans. L’esthétique du film va aussi dans ce sens avec un filtre jaunâtre qui donne aux images une lumière fichtrement intéressante. La tension se ressent jusque dans les bulletins d’informations locaux, qui énumèrent les crimes heures par heures, puisque c’était le quotidien des New-Yorkais à cette époque.
Installer une tension permanente dans un film de gangster est une chose. L’installer avec à peine une dizaine de coups de feu dans tout le film en est une autre. Et c’est pourtant ce qu’arrive à faire « A Most Violent Year », qui s’impose comme la toute dernière cerise sur le gâteau de cette année 2014 au cinéma.