Robert Duvall est un vieux cowboy du cinéma. Il peut désormais endosser n'importe quel rôle d'old-timer bougon, ça apportera un plus indéniable aux copies numériques... Car le temps de la pellicule est bien révolu et tous les âges finissent par passer, comme celui du western et de la conquête de l'ouest. Alors autant essayer d'en profiter une dernière fois, puisque son ranch, au début du film, connait lui aussi les affres du post-modernisme triomphant - en gros, une saisie hypothécaire.
Robert Duvall crève donc l'écran en texan octogénaire pressé de vivre ses derniers instants de liberté, assoiffé à l'ancienne de grands espaces à conquérir. C'est donc tout naturellement qu'il se tourne vers le Mexique, comme une alternative à la mort qu'il sent proche au point de songer sérieusement au suicide. Mais un bon texan ne se plie qu'à la volonté divine, et celle-ci lui envoie justement un improbable petit-fils pour interrompre sa partie de roulette russe. Pas de chance pour le jeune pied tendre qui aura bien du mal à tenir son rôle de garde-pas-malade.
Le western glisse un temps vers l'autre genre traditionnellement yankee : le road-movie. Belle photo sur les routes chaotiques du Mexique. Plans larges et travellings efficaces. Bande son vieillissante mi-country, mi-mariachi. End of road sur une ville frontière ou un gringo fortuné peut afficher la supériorité du Dollar sur le Pesos en se comportant comme un gros connard en toute impunité. Seule Angie Cepeda, qui interprète une -jolie- chanteuse -mexicaine- de cabaret, désabusée, ose un temps le remettre en place.
Si je m'arrête là, vous allez vite vous demander en quoi cela peut faire un film. Même Robert, tout Duvall qu'il est, ne peut pas tenir tout un film à lui tout seul. Et vous aurez raison, car il ne se passe en fait... absolument rien de spécial. Qu'à cela ne tienne : une petite ficelle scénaristique et hop : on fait sortir du chapeau un tueur à gages mexicain, deux petites frappes qui veulent s'enrichir trop vite en dealant un peu de coke et un gros sac à dos rempli jusqu'à la gueule de jolies liasses de billets verts oublié à l'arrière d'une Cadillac rouge. Ça, c'est forcément la marque du très haut. (Je m'excuse d'avance : c'est peut-être pas le bon modèle, mais je n'y connais rien en vieilles américaines.)
-attention, ce paragraphe contient un spoiler de fin-
Magie magie, & cuisine mexicaine d'aujourd'hui, Angie et Robert trouvent dans la confiscation du bien mal acquis l'échappatoire qui leur faisait défaut et s'en vont réaliser leurs rêves lointains, non sans avoir égratigné au passage la traditionnelle fête des morts et caricaturé allègrement le péon grassouillet, flemmard et crasseux. Gringo tu étais, gringo tu demeureras. Comprendras-tu un jour ces indiens hispanophones qui te méprisent pour ce que tu es et ce que tu représentes ? Après toute une nuit de course poursuite molle où même les balles de colt semblent avoir la flemme de fuser, Le film s'achève sur l'image du petit fils hésitant... Cherchant peut-être une réponse...
Au petit matin, il finit par reprendre le chemin vers la frontière où flotte la bannière étoilée... Gringo, go home !