Une bande de jeunes adultes part pour trois jours en bord de mer. L'ambiance est décontractée, voir un brin survoltée. Les femmes iraniennes semblent libres et de plain pied avec leurs compagnons. Les blagues fusent, un peu lourdes et on comprend rapidement à travers les réparties et les allusions que c'est l'occasion pour Ahmad, tout juste divorcé, et Elly, célibataire, de faire connaissance pour un éventuel mariage.

Si l'ambiance est joyeuse, elle a aussi quelque chose de forcé qui d'emblée m'a mise mal à l'aise, quelque chose d'artificiel flottait dans l'air, les comportements n'étaient pas « justes », quelque chose sonnait faux. On perçoit aussi un non-dit, quelque chose de mystérieux qu'on ne peut identifier et nommer.

Une fois arrivé à la maison, tout le monde s'affaire et s'organise puis vient le temps des jeux de groupe. Les blagues continuent, l'ambiance reste animée, mais Elly est mal à l'aise c'est perceptible.

Le lendemain les hommes jouent au volley, les femmes s'affairent, les enfants se baignent sous la surveillance d'Elly. Puis arrive le drame et tout bascule: un enfant se noie et est repêché in extremis tandis qu'Elly a disparu. Mais on ne sait pas bien ce qui est arrivé précisément.

On bascule alors dans la deuxième partie du film durant laquelle les relations deviennent très tendues. Les femmes sont remises à leur place et la belle égalité qui semblait exister vole en éclat. Mais plus que tout, ce sont les réactions des uns et des autres vis à vis d'Elly qui sont intéressantes. Cette jeune femme a disparu et comme le groupe ne sait quasiment rien d'elle, elle devient la cible de projections, elle se trouve étiquetée, soupçonnée d'autant plus qu'on en apprend un peu plus sur elle sans avoir tous les éléments. On peut donc tout supposer, tout imaginer.

Ce film offre une belle illustration des mécanismes de groupe et de jugement. C'est fait avec finesse et le spectateur se trouve impliqué dans cette situation, comme il le sera à nouveau dans le film sorti 3 ans plus tard Une séparation. Farhadi a le don pour nous impliquer et nous amener à nous positionner face à ce qui arrive, face aux personnages, nous laissant libres de nos jugements. Il ne nous impose rien, il propose des histoires très réalistes et fines. Et si ses films se déroulent dans la société iranienne avec ses problématiques propres, ils ont une portée universelle qui peut difficilement laisser indifférent.

abscondita
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2009, OURS D'ARGENT du meilleur réalisateur et Les meilleurs films iraniens

Créée

le 5 juil. 2023

Critique lue 83 fois

11 j'aime

8 commentaires

abscondita

Écrit par

Critique lue 83 fois

11
8

D'autres avis sur À propos d'Elly

À propos d'Elly
Arlaim
8

À qui la faute ?

Tout comme la plupart des gens, j'ai découvert Asghar Farhadi avec le captivant Une Séparation. Et tout comme la plupart des gens - du moins, je l'espère -, à la suite de cette claquounette, j'ai...

le 12 févr. 2013

37 j'aime

4

À propos d'Elly
eloch
10

" Mieux vaut une fin amère qu'une amertume sans fin"

Le film se développe en deux temps, un marquage qui se profile autour d'une rupture fondamentale : la disparition brutale, incompréhensible voire incohérente d'Elly. Elly c'est une belle jeune femme,...

le 21 mai 2012

14 j'aime

1

À propos d'Elly
Val_Cancun
9

Elly minée

C'est par ce film que j'ai découvert Asghar Farhadi, cinéaste qui a longtemps figuré parmi mes favoris - avant une légère réévaluation à la baisse plus récemment.En effet, j'avais été ébloui par "A...

le 9 août 2022

12 j'aime

2

Du même critique

La Leçon de piano
abscondita
3

Histoire d'un chantage sexuel ...

J’ai du mal à comprendre comment ce film peut être si bien noté et a pu recevoir autant de récompenses ! C’est assez rare, mais dans ce cas précis je me trouve décalée par rapport à la majorité...

le 12 janv. 2021

63 j'aime

22

Le Comte de Monte-Cristo
abscondita
9

"Je suis le bras armé de la sourde et aveugle fatalité"

Le Comte de Monte Cristo est une histoire intemporelle et universelle qui traverse les âges sans rien perdre de sa force. Cette histoire d’Alexandre Dumas a déjà été portée plusieurs fois à l'écran...

le 30 juin 2024

52 j'aime

14

Le Dictateur
abscondita
10

Critique de Le Dictateur par abscondita

Chaplin a été très vite conscient du danger représenté par Hitler et l’idéologie nazie. Il a été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme. Il commence à travailler sur le film dès 1937. Durant...

le 23 avr. 2022

34 j'aime

22