A Quiet Dream
6.7
A Quiet Dream

Film de Zhāng Lù (2016)

Dans une grande ville sud-coréenne, Ik-june, Jong-bin et Jung-bum (trois hommes désœuvrés), passent l’essentiel de leur temps dans un bar minable tenu par une charmante jeune femme nommée Yeri (Han Ye-Ri). Originaire de Chine où elle vivait avec sa mère jusqu’à la mort de celle-ci, Yeri est venue retrouver ici son père coréen. Malheureusement, celui-ci est infirme et une prédiction annonce à Yeri qu’il vivra longtemps.


Les trois hommes désœuvrés (dont deux sont interprétés par les réalisateurs Yoon Jong-bin et Park Jung-bun, amis de Zhang Lu) sont au centre du film : un ancien voyou, un épileptique et un réfugié Nord-Coréen. Jeunes trentenaires, ce sont les "Vitelloni" coréens du moment. Sans avenir (très intéressant, par rapport à l’image qu’on pourrait se faire de la Corée), ils passent l’essentiel de leur temps à tenter maladroitement de séduire Yeri. A force de les côtoyer, celle-ci les apprécie de plus en plus. Mine de rien, ils lui apportent la chaleur humaine dont elle a besoin. Enfin, d’une certaine manière bien-sûr, car on reste au stade des approches timides.


La situation pourrait basculer à plusieurs occasions. Mais le trio a beaucoup de mal à fonctionner autrement qu’ensemble. Et Yeri apprécie de les retrouver, ce qu’on réalise avec le sourire qui illumine son visage quand elle les découvre tous les trois, un soir, alors qu’elle descend un escalier au retour d’un voyage. Un fait marquant, car on les voit tous les quatre, à un autre moment, lors d’une séance de pose avec un photographe. Celui-ci a beau user de tous les stratagèmes pour les inciter à sourire, rien n’y fera.


Ce constat correspond à l’état d’esprit qui les anime. Tous les quatre sont dans des situations peu reluisantes. Pourtant, il leur reste une certaine dose d’espoir, matérialisée par cette histoire qui se passe entre eux, même si cette histoire n’est constituée que de petits riens. Et, quand ils vont ensemble au cinéma parce que Yeri leur a assuré qu’elle voyait des films gratuitement, la séquence éveille des échos personnels au point de provoquer une véritable hilarité. En effet, les voilà installés dans une rangée, le plus défavorisé étant celui qui n’est pas à côté de Yeri. Et les jeunes hommes découvrent ce que peut être un film d’auteur. Ce qu’ils voient est édifiant : caméra fixe sur un homme en train de manger et d’éplucher ce qu’il s’apprête à manger. Impatience du « meneur » l’ancien voyou, celui qui a une certaine prestance et donc de l’autorité au sein du trio (mais qui a besoin d’évoluer dans ce trio pour l’exercer). Une simple étincelle ou bien l’occasion de mettre le feu aux poudres ???


Le film est en noir et blanc et il dégage un charme certain, avec une ambiance personnelle où dominent les nuances de gris. Les relations entre les uns et les autres, à première vue assez simples, vont se révéler très intéressantes. Le réalisateur, Zhang Lu, a vécu en Chine avant de venir en Corée. Un itinéraire qui l’a marqué. Cela se sent dans ce que sont les personnages, mais aussi dans leurs comportements. Et puis, il y a ce rêve mentionné dans le titre. Concrètement, il semble qu’il s’agisse de celui de Yeri qui ne se contente pas de prier en s’isolant dans une armoire abandonnée sur un trottoir, comme elle l’a vu faire par une inconnue. Quelques images d’un rêve qu’elle fait en dormant, la voient passer sur un pont. Le calme, c’est le silence qui accompagne la séquence. Mais son vrai rêve serait plus certainement que les choses restent en place comme ce que présente le film (avec une tranquillité qui peut sauver la vie), à savoir elle continuant de côtoyer les trois trentenaires désœuvrés, sans que rien ne vienne bousculer ce très fragile équilibre. Deux points pour appuyer ce point de vue : elle les appelle ses hommes et la dernière séquence, en couleurs, sonne comme un autre rêve de Yeri. Cette séquence pose néanmoins problème, car en contradiction avec ce qu’on vient d’apprendre sur le devenir de la jeune femme. N’oublions pas que ce qui se passe autour de son père laisse également plusieurs fois perplexe. Si on peut douter de ce qu’on entend deux fois hors champ, le moment où le père échappe de justesse à un accident apparaît bien réel. Je verrais donc bien la fin comme une séquence onirique produite par Yeri, indépendamment de la progression linéaire du scénario. Bien entendu, le titre fait également référence aux rêves de séduction des trois désœuvrés, peut-être aux rêves du père de Yeri et il fait une discrète allusion à l’espoir de Joo-young (Lee Joo-young), jeune amie de Yeri qui traine elle aussi dans le coin avec sa coupe à la garçonne et un ballon de foot, prétexte à trainer dans le coin pour rester à proximité de Yeri.


Film présenté le 26 octobre 2017 au festival du film coréen à Paris.

Electron
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le 29 oct. 2017

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