A Serbian Film, c'est quoi ?
C'est un ex-acteur porno de légende, capable des grivoiseries les plus remarquables, désormais posé avec sa femme, traductrice (un détail vous me direz), et son fils (qui s'amuse à regarder les cassettes de son père parce que ça provoque des papillonnements dans on bas-ventre... et le gamin à l'âge d'être en primaire). Et cette situation dure jusqu'au jour où l'une de ses anciennes collègues le contacte pour tourner dans un film, produit par un ancien pédo-psychologue, en échange d'un énorme salaire. Ça c'est le pitch de base.
Maintenant on va rentrer dans les détails, du coup j'ouvre l'option "spoiler" et on se retrouve un peu plus bas.
Le type comprend que la production dans laquelle il s'est engagée n'est pas toute clair, vu que déjà il doit se taper une femme, avec la gamine de cette dernière qui le regarde, et en plus de ça on l'oblige à agir violemment à l'encontre de ses partenaires, alors que lui bah c'est pas trop son truc. Du coup après ça, il se fait droguer par l'assistance du producteur, puis dans un ensemble de flash-backs, il se voit démembrer une dame tout en la pénétrant avec force, se faire sodomiser par un garde... puis, je vous passe les détails inutiles, à la fin il se retrouve entrain de fourrer quelqu'un enveloppé dans des draps blancs, tandis qu'à coté de lui, un individu encagoulé agit de la même sorte... et là, il se trouve que lui est entrain de se taper son fils (qui a de la matière blanche séché sur le coin des lèvres) tandis qu'à coté, c'est son frère (un flic ripou qui fantasme sur sa belle-soeur)... qui se tape sa femme. Du coup, on a un petit enchainement de violence, et à la fin, toute l'équipe de tournage est morte, notre "héros" lui, décide de rentrer à la maison avec son fils (traumatisé à vie... tu m'étonnes) et sa femme à demie-morte. Puis, toute la famille s'allonge et décède, d'une balle commune tirée par le père.
Et là où on croit que le film se termine, survient une dernière scène, où une équipe de tournage (dirigé par un pote du producteur, que l'on suppose être le commanditaire du film) arrive en filmant le trio mort, et la dernière phrase c'est "tu commences par enculer le fils"... ou un truc du genre.
Le film en lui-même est passable (pas mauvais, passable). Déjà je dois préciser que je l'ai vu en VF (et ça c'est déjà étonnant qu'un film pareil ai été doublé de manière assez pro). Les acteurs jouent moyennement (sans que ce soit dérangeant), niveau qualité de l'image je n'ai pas grand chose à dire. Et le scénari, lui, et bah déjà y'en a un (contrairement à beaucoup de productions horrifiques qui consistent simplement à enchainer les morts), et justement je me permet de préciser que je ne comprend pas l'étiquette "horrifique" (si on le compare à un Hostel par exemple), et c'est justement là, où je souhaite en venir.
Mon interprétation du film est la suivante: Durant tout le film, on nous montre du sexe et des personnes qui regardent des scènes pornographiques (qu'il s'agisse de l'enfant qui regarde les films de son père, l'ex-acteur qui regarde ses anciennes cassettes, sa femme qui se demande pourquoi son mari ne la prend jamais comme il prenait ses partenaires... et sa réponse à ça, c'est, si je m'en souviens bien, parce qu'il l'aime). Et dans tout le reste du film, il n'est plus question d'amour, on nous montre un homme mû par des instincts primaires qui se comporte de manière sauvage avec des êtres dépossédés de leur humanité. A un moment du film, le producteur montre à son acteur un film où un homme accouche une femme, puis s'en prend à son enfant. Et là, on reproduit ce même schéma, un homme qui regarde une scène immoral, un homme qui agit de manière amoral, et à la fin, alors que l'acteur principal du film échappe à cette vie objectivement horrible, une caméra survient et filme la scène où un autre homme va de nouveau s'en prendre à des êtres rendus à l'état de chose.
Et juste après le visionnage du film, j'ai eu une une révélation: Ce film permet la mise en abîme de celui qui regarde ce film. Quand j'ai inséré ce film dans mon lecteur, je savais que j'allais regarder un film qui montre du sale (au sens très large), et je ne suis pas le seul à être dans ce cas, j'ai limite envie de dire que 99% des gens qui l'on vu savaient à quoi s'attendre. Et pourtant, on a regardé ce film, de bout en bout. On a accepté de voir un homme massacrer une femme tout en la violant, on a accepté de voir un homme faire des choses (la scène est censuré, donc on ne peut qu'imaginer) à un nouveau-née... et même à la fin, je pense ne pas être le seul à avoir deviné ce qui se cachait sous ces draps. Et vous savez quoi, après avoir regarder ce film, je suis aller checker mes réseaux sociaux, je me suis brossé les dents, et j'suis aller dormir. Et pourtant en faisant ça, j'avais le souvenir d'avoir vu des scènes que pour rien au monde je ne m'amuserais à détailler à des proches.
L'homme a des besoins naturels, c'est un fait, certains ont des fantasmes, d'autres des pensées immondes pour le commun des mortels, et d'autres s'amusent à regarder des films pareils... et pourtant, la vie ordinaire suit son cours. A la toute fin du film, le type qui pendant plus d'une heure à accompli des actes horribles s'est tué, lui et sa famille... et là, une équipe arrive pour filmer, car la vie suit son cours, l'acteur demeure acteur au sens large du terme. Durant tout le film il agissait dans un certain cadre (celui du tournage d'un film), mais ce cadre l'a dépassé, vivant il était acteur, et même mort, il continue d'être acteur. Ceux qui ont commandités ces atrocités sont tous morts, et néanmoins une autre équipe arrive et prend leur place.
MIND BLOWING
Est-il possible de réellement conclure, de s'instaurer un certain cadre où "ici je me permet des choses" mais qui ne déteindrait pas sur le reste... ce film nous montre que non. J'ai vu ce film, j'ai vu des scènes très durs, et pourtant c'est ce même "je" qui va aller à des diner des famille, préparer à manger pour ses proches et regarder Bob l'éponge tout en buvant un chocolat chaud. Le film n'est pas un contexte clôt, il n'est que le témoin d'exactions, il n'est que le témoins d'actes où l'anormal se mêle au normal, et où le terrible se dissous dans l'ordinaire.
Addenda: Quelques mois après, je relis cette critique, et je me permet d'ajouter deux-trois choses.
Quand on lit une critique d'un film, d'un livre, ou même d'un album (et c'est encore plus flagrant dans ce dernier cas) on a conscience de lire l'interprétation d'une personne extérieure à la production de l'oeuvre. Ce que moi j'ai pu voir est surement différent de ce qu'un autre a pu voir, ou même de ce que le réalisateur a voulu montré. Mais je ne pense pas que ça enlève quoique ce soit à ma critique.
Dans l'une de ses vidéos, Karim Debbache a cité un type qui disait que une fois montrée aux yeux du public, une oeuvre cesse d'appartenir à son créateur. Et ce point s'applique précisément à ce que je dis. Peut-être bien que le réalisateur de A Serbian Film a juste voulu faire une oeuvre choc pour faire parler de lui, ou pour réaliser des fantasmes. Mais ce que j'ai vu, ce que j'ai interprété c'est réel, c'est propre à ma personne, avec mon expérience d'humain, mon inconscient... bref.
Du coup, le 4/10 je le maintient, justement parce que ce film m'a permis d'avoir des considérations socio-philosophiques et j'en suis bien content !
Par contre, "objectivement" ce film est horrible, et n'est clairement pas un "bon" film.
Ne le regardez pas.