En 2010, alors que des films comme Kick-Ass ou Toy Story 3 sortaient au cinéma, une petite production européenne, elle, restait bien sagement éloignée des salles obscures.
Petite analyse d' A Serbian Film, seul et unique chef d'oeuvre du cinéma extrême, aux accents philosophique-politique.
Ce qui gêne tout d'abord les détracteurs de ce film, c'est sa qualité. A Serbian Film est, en terme de réalisation, de photographie, de scénario, de musique et d'acteurs, un film plus qu' abouti.
Là où les anciens films trash peinaient à se montrer crédible, A Serbian Film, lui, parvient à se hisser au sommet de la hiérarchie mondiale à coup de philosophie déviante, de personnages torturés psychologiquement et de thématiques complexes, qui ne sont pas sans rappeler un certain film de Pasolini.
Les personnages du film sont pour la plupart tous bon. Le duel opposant Milos (Srđan Todorović) à Vukmir (Sergej Trifunovic) est un véritable délice d'immoralité, et constitue le cœur poisseux et vertigineux de l'oeuvre.
Vukmir prône la pornographie comme un prêtre la parole du Seigneur, et Milos, Brebis égarée dans la vallée de Baca, joue à merveille l'homme avide d'argent, gardant toutefois une certaine morale, une certaine classe d'un autre temps, celui de Milosevic.
C'est là toute la complexité l'oeuvre, le film que Vukmir tente de faire, et la réalité réelle, ne font qu'un. Pour Vukmir, la vie est un immense film. La vie terrestre étant conditionnée par le capitalisme de marché, Milos n'est alors plus considéré comme un humain à part entière, mais comme un produit (voir ''Le Capital de Karl Marx). Produit qui sera destiné à assouvir les pulsions morbides de son créateur capitaliste, Vukmir.
Ici, A Serbian Film reprend la morale perverse de ''Salo, ou les 120 journées de Sodome'' (1974), et la retourne contre la société Serbe, perverti par l'économie libérale mise en place de force par l'ONU et L'OTAN, après la chute de Slobodan Milosevic, en 1999.
Nous passons dès lors d'un film trash honteux à un film politique critiquant le capitalisme et tout ce en découle, l'individualisme, l'immoralité, l'argent, la toute puissance du prolétariat, ect ect ...
Et ce n'est qu'une fois après avoir impliqué le capitalisme dans tout cela, que l'oeuvre se permet d'aborder les pires thèmes, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle le fait sans aucune limite !
Le dégoût et l'horreur prennent peu à peu place, et A Serbian Film se finit sur la seule échappatoire possible, la mort.
Souvent ignoré par la critique, bâché par les spectateurs et méprisé par les cinéphiles, il n'empêche qu' A Serbian Film, reste quoi qu'on en pense, un véritable chef d'oeuvre artistique et politique.
Pour une fois, la leçon de cinéma n'est pas venue de Kubrick, de Tarantino ou de Lynch, mais de l'Enfer.
Bravo ! Bravo ! Bravo !