Depuis sa sortie, j'ai voulu voir ce film dont on m'avait vanté la puissance esthétique et émotionnelle. D'autant plus que ma curiosité avait été piqué au vif quand j'avais su bien avant sa sortie, que Tom Ford, très célèbre styliste de grandes maisons de coutures, mettait en scène un film. J'ai donc attendu tout ce temps, faute de l'avoir vu sur grand écran.
Et je ne suis absolument pas déçu.
Pour son premier film, Tom Ford se révèle un (très) grand metteur en scène. Le travail sur le cadre, les mouvements de caméras et la lumière sont superbes. Rien à dire, la beauté est au rendez-vous. L'oeil avisé de Tom Ford exploite à merveille toute la technique cinématographique pour nous livrer une oeuvre qui de bout en bout est esthétiquement abouti. Chaque plans laisse le spectateur le temps de découvrir les nombreux détails du décor et des coustumes, ce qui donne une grande sensation de réalisme. Nous sommes totalement plongés à l'orée des années 60. Reconstitution réussie. Le choix des morceaux de la bande originale n'y sont également pas étrangers (à noter un morceau méconnu de Serge Gainsbourg).
Mais, à contrario des détracteurs du film, je pense que ce film n'est pas qu'un magnifique écrin vide. De nombreux sentiments m'ont traversés au gré des états d'âmes de Colin Firth (George). Ce dernier réussit, sur un script minimaliste mais subtile et maîtrisé, à nous livrer une interprétation hypersensible qui fait que l'on s'identifie facilement au personnage et que l'on partage sa peine et son profond désarroi, dès la première scène d'ouverture...La force du jeu de Colin Firth et les émotions qu'il transmet ne peuvent que passer parce que dérrière la caméra se trouve un réalisateur qui sait saisir les émotions les plus subtiles, celles qui se cache dans les longs silences, dans l'intensité des regards ou dans des sourires esquissés... La beauté naît aussi de ces moments là et de dialogues et monologues en voix off diablement profonds sur l'absence de celui qu'il a aimé et qui n'est plus là...
Tom Ford sait aussi magnifier les corps (ce qui serait un comble si ce n'était pas le cas). Puis de cette indicible sensation de lenteur, qui traduit le temps qui peine à s'écouler dans ce vide qu'est devenu l'existence de George sans son amour perdu à jamais, naît des moments très sensuels. Des plans magnifiques: l'oeil de Julianne Moore, entrain de sa maquiller, dans le reflet du miroir; le dos de Potter (l'étudiant) sur la plage, le corps de Colin Firth entrain de "couler" ou encore le travelling remontant doucement des pieds à sa tête, lors de la dernière scène du film...
Ces moments de beauté, et il y en a de nombreux autres, font aussi ressentir cruellement l'absence et le vide laissé par l'amour disparu, tout comme ils font aussi renaître l'espoir d'un autre demain et peut-être d'un autre amour... Car c'est avant tout un déchirant film d'amour, même si cet amour n'existe plus que dans la mémoire de George. Comme le dit Potter à George: "Vous êtes romantique!".
J'en conclu donc que Tom Ford est un grand romantique et un grand nostalgique, et que la mélancolie de George, formidablement jouée par Colin Firth, est peut-être un peu la sienne...