Les qualités d’A Single Man éclatent dès son ouverture. La photographie laiteuse associée à un sens du cadre chirurgical nous plongent dans l’exploration d’une maison d’architecte qui, déjà, cherche ostensiblement à se montrer comme la métaphore d’une mise en scène classieuse et imparable. Le regard de George (Firth à qui l’on demande surtout de pratiquer son accent anglais) depuis ses toilettes atteste incontestablement d’un sens aigu du regard et d’une volonté incisive de dépasser les apparences de cette banlieue du LA des 60’s naissantes.
Sur une trame assez proche du Feu Follet de Malle (qui date d’ailleurs précisément de la même année que celle de l’intrigue du film) Tom Ford invite donc à l’ultime regard d’un homme qui aurait choisi de mourir à la fin de la journée.
Deux principes vont poser ce contact aux choses dernières : la vision et les paroles. La première, à grand renfort de ralentis, d’une musique lyrique en diable et de changement d’étalonnage des couleurs, va jouer la carte du formalisme poussif. On pense à Dolan, qui lui-même renvoyait à WKW, durant ces petites épiphanies où les lèvres d’une femme explosent de tout leur carmin, un iris se teinte de vert, censément offrir au mort en sursis la beauté d’un monde qu’il va quitter. Le contraste entre ce pop et la reconstitution volontairement terne des 60’s, joliment reconstituées, est certes divertissant, mais la formule s’essouffle rapidement.
Mais c’est bien dans le second principe que le récit va se trouver définitivement plombé. Soit deux échanges majeurs, l’un avec une femme amoureuse elle-même sur le déclin, ne pouvant rivaliser avec l’amour pour l’homme mort et le deuil de George. Julianne Moore sait elle aussi très bien pratiquer l’accent anglais. L’autre avec un jeune homme, incarnation de la vie, la beauté, la jeunesse, la fraicheur. Outre le didactisme de cette répartition, la lourdeur des échanges est impitoyable, dissertations sur la vie, le bilan, l’amour et la beauté, d’autant plus dommageables que les efforts picturaux s’échinaient déjà à signifier tout cela.
[Spoils]
Quant au « twist » final, il n’achève pas de déconcerter. Monsieur, revenu au choix de la vie grâce au bel éphèbe sur son canapé, est victime d’une crise cardiaque. Tragédie ? Ironie ? Complot cosmique ? Pathétique eschatologique ? Tour de bourrique ?
A Single Man est loin d’être un mauvais film. Méticuleux, soigné à l’excès, il a la faiblesse des premières tentatives qui voudraient tout dire, exhiber leur formalisme et traiter de la vie, l’amour et la mort en un seul opus.