Beau à l'extérieur et à l'intérieur
"A single man", premier long-métrage du styliste Tom Ford, est un film sur le deuil, celui de George Falcone (Colin Firth), professeur d'université entre deux âges, rongé par la perte il y a quelques mois de son compagnon. Alors qu'il est déterminé à mettre fin à ses jours, la vie s'amuse à le rattraper. Un rayon de soleil, le sourire d'une voisine, la beauté d'une femme: Colin Firth est-il bien sûr de vouloir quitter ce monde?
La grande réussite de ce film, c'est sa manière fine et efficace d'illustrer les liens qui unissent entre eux les personnages. D'abord l'amitié profonde entre George Falconer et Charlotte (Julianne Moore) un peu folle et à moitié alcoolique. Une relation indéfinissable, à la frontière de l'amour et de l'amitié. Mais la véritable relation mise en valeur est celle qui va naître entre George et le jeune Kenny (Nicholas Hoult, vu petit dans "Pour un garçon") adolescent troublant à la beauté insolente. Là encore, difficile de la caractériser. Sont-ils amis, vont-ils devenir amants? Peu importe, nous dit Tom Ford.
On reproche souvent à ce film d'être seulement esthétique. C'est faux. Ou plutôt c'est vrai, mais ce n'est pas pour moi une critique valable car l'esthétisme est au service du fond. Les images jaunies, la beauté scintillante des personnages, la précision du cadre... Cette technique, parfaite, est toujours au service du fond.
Le film est en fait adapté d'un roman du Britannique Christopher Isherwood, écrit en 1964. Dans ce livre déjà, on parle d'amour, pas d'homosexualité. L'homosexualité est un postulat, immédiatement dépassé. Pas question ici de l'acceptation de soi ou du regard de la société américaine des années 60 sur les homosexuels. C'est, selon moi, ce qui rend le film universel. Ou en tout cas, résolument moderne.