Retour en Corse pour Thierry de Peretti après son incursion dans les arcanes de la police française (Enquête sur un scandale d’État), pour une adaptation du roman de Jérôme Ferrari, qui retrace la vie d’une photo reporter sur une vingtaine d’années. Un film qui par bien des aspects offre une complémentarité avec Une vie violente, et, d’une certaine manière, en corrige les scories. Là où le didactisme plombait un peu cette description des luttes indépendantistes, ce nouvel opus prend un parti qui va permettre de les évoquer avec davantage de finesse et d’incarnation.
Récit initiatique d’un regard, À son image s’intéresse à la complexe fascination de la photographe face au sujet qu’elle immortalise, particulièrement dans le contexte du reportage journalistique confronté à la violence. Une question dans l’air du temps, puisque la femme photoreporter est déjà au centre du Civil War d’Alex Garland, et le sera à nouveau dans le biopic Lee Miller à l’affiche dans quelques semaines.
Car il ne s’agit pas simplement de déplacer le regard sur une journaliste, dont le recul permet un surplomb sur la passion ravageuse des indépendantistes face au pouvoir central. Le personnage d’Antonia est partie prenante dans cette tragédie, et la donne à voir du côté des compagnes ou épouses, qui attendent avec fébrilité les incarcérations, les libérations ou l’imminence de la mort de leur homme. Le parcours s’étend certes au-delà de l’île, dans une tentative d’une émancipation qui aura surtout pour conséquence de se confronter à l’universalité des conflits, et l’éternel retour de la violence. Mais l’essentiel réside dans cet attachement au pays natal, et l’évolution des combats idéologiques qui semblent accompagner la maturité de la protagoniste. Alors qu’elle capturait dans son objectif la fougue collective d’une jeunesse enthousiaste et prête à franchir les montagnes dans des scènes musicales et fédératrices (le très beau concert en ouverture, puis ce sommaire sur « Salut à toi » où les prises de vues plus intimes se mettent en place), l’âge adulte voit le groupe se fracturer et les convictions virer au règlement de compte dans des luttes intestine fratricides.
En marge des passions presque aveugles se dessinent alors quelques figures qui permettront de seconder et renforcer le recul opéré par la photographe : un prêtre (joué par le réalisateur lui-même), puis, plus tard, un enseignant, prolongé par une voix off sur un récit qui, dès le départ, se présente comme une oraison funèbre.
Car c’est là aussi l’un des propos du film, que de toujours remettre au premier plan la modestie des destinées intimes. Sa dernière activité dans une petite échoppe où l’on capture les mariages et fêtes de famille n’a ainsi rien d’un renoncement. Alors qu’il s’agissant, jusqu’alors, de donner à voir l’Histoire d’un pays, voire d’un continent face au fracas des luttes armées, l’accident tristement banal qui est le sien génère un récit où se mêleront l’intime et le collectif, avec une part croissante pour une vraie vie, à l’écart de l’aveuglement et des fanatismes.