A special Lady est le titre international d'un film qui s'intitule, dans sa version originale, du même nom que son héroïne principale: Mi-ok. Vous l'aurez compris, ce double-titre, programmatique, annonce donc un portrait, celui d'une femme qui évolue dans un univers sombre, froid et violent, un univers situé dans l'imaginaire moderne des films de gangster sud-coréens. Ici, donc, personne pour prendre la pause en costume chic et cape au vent, pas de pistolet et de combat chorégraphié pour montrer sa souplesse: on y tue plutôt, a coup de couteau (de cuisine, de boucher), on y poignarde régulièrement et de façon frénétique, on trépasse, se fait transpercer, on se fait recoudre, on souffre à quatre pattes pendant des jours, les bras coulés dans le ciment et on finit dévoré par des chiens.
Les femmes n'ont probablement pas leur place dans cet univers autrement que comme marchandise comme peut le montrer la longue séquence d'introduction. Et pourtant, c'est bien à l'issu de celle séquence-ci qu'on découvrira justement Mi-ok comme femme de l'ombre, à l'écart de l'action, surveillant ses moniteurs (et "ses filles") avec le même pouvoir, la même assise que nous autre, spectateur. Ainsi se conclue donc l'introduction du film, avec ce pas de côté, et le début d'un portrait qui, malheureusement, n'ira jamais plus loin en terme de projet de mise-en-scène que ce petit jeu sur le point de vue.
Pire: le reste du métrage décline tous les mystères autour de son sujet avec une facilité iconique un peu trop factuelle, préférant habiller littéralement son personnage de cent et une robes hyper stylisées (fashionista victim) sans pour autant extérioriser un quelconque trait de caractère ou de sentiment. Il faudra attendre deux moments clefs, deux promesses que le film n'arrive pas à tenir pour se rendre compte à quel point le metteur-en-scène passe à côté de son sujet.
Il y a d'abord ce point de vue subjectif de l'acolyte de Mi-ok, empli de désir , tandis qu'il se fait soigner par elle. On comprend par le cadre serré et l'omniprésence de la mèche (véritable déguisement, pour le coup) derrière laquelle mi-ok cache son visage que celle-ci est insaisissable, toujours en fuite, comme viendra d'ailleurs l'indiquer la fin de la scène lorsqu'elle quittera la voiture tandis que son acolyte répète, inlassablement, cette phrase qui reviendra plus tard clôturer le climax du film: "mi-ok, jamais tu ne te retournes pour regarder derrière toi". C'est fort dommage que le gros du film cherche a tout prix à éviter cet adage: A special Lady aurait largement gagné a rester planqué derrière son héroïne (puisqu'il faut bien se résoudre à la qualifier ainsi) et surtout, derrière la sublime comédienne, Kim Hye-su, ancienne actrice de drama tv qui a su se réinventer, à l’orée de ses quarante ans, comme une comédienne de cinéma dans un registre de femme fatal dont A special Lady aurait voulu se proposer comme consécration.
Faute avouée, faut à demi pardonnée: tandis que le final du film, poussif, fini d'enlever tout épaisseur au personnage en même temps qu'elle se retire un couteau de la cuisse sans broncher, la voilà projetée sur la route sans même savoir où le scénario est sensée la guider, ni même la production du film qui semble improviser un plan de fin sur la voiture qui fait une sortie de route. Catastrophe de tournage tout juste rattrapé par une idée de montage: continuer de faire vivre Mi-ok le temps d'un flash-back dans lequel, face à nous, elle assume oralement sa condition d'objet cinématographique (son fils s'adresse à elle en la comparant directement au tueurs dans les films qui se changent lorsqu'ils ont du sang sur eux). Visage penché et sourire tordue, caché derrière cette mèche iconique et regard coupé par d'immense lunette de soleil, l'image alors se fige et sombre magnifiquement au noir.
Quel déception que cette révélation finale ne tourne qu'à l'aveux d'impuissance: on comprend là l'envie d'une filiation puissante, forte, avec des figures de cinéma variée... On se prend à penser à Sex and Fury et sa LadySnowblood envahissant tous les cadres avec son corps mis a nu, à They call her one eye et son retournement de pouvoir purement technique, uniquement issu du ralenti, etc.... Ici, rien de cela. Pas de mise à nu: le personnage de Mi-ok, insaisissable donc, est recouverte d'épaisse couche de vêtement.
A special Lady n'est finalement qu'un défilement, un défilé de mode même, qui achève de faire de Mi-ok non pas une lady très spécial, mais plutôt une gaga de plus...
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