#4 J'ai vu... JFK (1991-Oliver Stone)

Oliver Stone avait dit, au moment des attentats du 11 septembre, qu'il fallait qu'Hollywood s'empare immédiatement du sujet, de façon frontale et directe.


Avec la mort de Kenney, on a compris que l'évènement était passé depuis longtemps maintenant, que de nombreuses générations se sont succédées et qu'il est donc mathématiquement impossible de réagir à cet attentat aussi frontalement que le metteur en scène le voudrait. L'assassina de Kennedy n'a pas le potentiel de l'instant présent, du moment actuel.


Il faut donc réactualiser ce moment, le rendre de nouveau "présent", sur le mode du direct et c'est ce que va s’évertuer à faire Oliver Stone avec JFK. Pour ce faire, il a deux axes primordiaux.
D'abord , il s'agit de la contamination du réel par la fiction, la friction entre récit Historique et imaginaire, comment les deux sont inextricablement liés dans la construction du mythe Américain (et dont l’assassina de Kennedy est l’événement star, populaire par excellence dans la construction de la culture américaine). Il y a ce qui s'est vraiment passé, la vérité ultime de l'instant, caché, recouvert, effacé, et le récit qui nous en a été fait, notamment par le biais de la commission Warren, commission sous mandat gouvernemental ayant pour objectif avoué d'écrire la version officiel de l’événement, de l'inscrire dans le marbre de l'Histoire avec un grand "H" de l'Amérique.


Et puis il y a le procédé avec lequel Oliver Stone doit composer, c'est à dire les outils de cinéma, en tant que Cinéma Hollywoodien, part importante et non négligeable dans la construction du mythe américain. Le cinéma hollywoodien véhicule une certaine idée de l'Amérique dans le monde.


Alors, qu'est-ce que donne tout ça? Un film de plus de trois heures, droit héritier de la formule classique hollywoodienne. Rien, à première vue, de transgressif ou révolutionnaire. Un film fleuve, plutôt par sa durée que par son envergure, à proprement parlé, cinématographique. Mais enfin, alors, comment fini par se traduire se grattement que le metteur en scène veut exercer sur l'histoire, sur la version officielle de l'évènement?
Le casting est le premier choix politique, en tant qu'auteur, qu'Oliver Stone va faire pour mettre son film sur les rails qu'il s'est choisi: on le sait, dans le cinéma hollywoodien, en tant que mythe, l'acteur principal, condition sine qua non de l’existence du film, emporte avec lui tous les personnages qu'il a précédemment incarné (et qu'il incarnera par la suite). Dans le cas de Kevin Costner, c'est brillant, car, qui de mieux pour incarner le procureur Jim Garisson, seul homme à s'opposer à la commission Warren, a soulever le tapis pour y regarder la merde qui y a été balayé, que celui qui a justement incarné précédemment Eliott Ness, l'incorruptible. Voilà donc une manière de faire de Garisson, version fiction ciné, le chevalier blanc. Justicier ultime: l'application de la loi passera bien évidemment par la recherche sans faille de la vérité.Notons au passage qu'avec le film suivant, un monde parfait de Clint Eastwood, il sera encore question pour Costner de se confronter à l'évènement Kennedy mais de façon complémentent silencieuse et pourtant beaucoup plus subtil et critique sur la nature de la société américaine, l'assassina de Dallas étant le hors-champ absolu du film. Mais fermons cette parenthèse et revenons à celui-ci qui nous agite pour le moment.
D'emblée, ce que l'on peut comprendre avec ce choix de casting, c'est qu'Oliver Stone place son film dans une certaine idée du cinéma américain, dans la tradition de celui-ci... Et pourtant, quelque chose semble ne pas fonctionner.
Deuxième élément, tout de suite en entrée de film, c'est cette contamination du réel par la fiction. On a cette succession d'images d'archives avec un montage rapide, un peu comme un clignotement, et peu à peu on va introduire des scènes tournées pour l'occasion, des pures images de fiction, un pur produit de cinéma, avec les personnages réels qui sont peu à peu remplacé par leur homologues hollywoodien, Gary Oldman se substituant progressivement au vrai Lee Harvey Oswald par exemple. On assiste à une sorte de tromperie, de tour de magie en somme, puisque sous nos yeux, et sans prévenir, le cinéaste troc le réel contre de la fiction et c'est exactement ce que le film va dénoncer, c'est à dire les conditions avec lesquelles la commission Warren va traiter l'évènement. Finalement, Oliver Stone entreprend de retourner la situation, sur le mode du présent, et réemployant les armes que la commission Warren à mis au point (mensonge, dissimulation, réinterprétation silencieuse). La commission Warren a essayé de falsifier un évènement alors que celui ci a eu lieu sous le regard de tous, comme un tour de magie donc, et le film JFK va essayer de réutiliser le même procédé, à l'inverse, pour révéler les failles de ce dispositif mis au point par la commission Warren. Le film va réemployé les mêmes artifices que ce qu'il dénonce pour faire apparaître, justement, le trucage, pour essayer de se rapprocher tant que possible de la réalité de l'évènement.


Ce qui se dégage du film, pourtant, c'est sa facture classique, son aspect "film de télévision", "film de procès" ou téléfilm de procès pour lesquels les américains se passionnent, qui sont produit par dizaine de millier chaque année, et qui s’apparenterait au film du dimanche après-midi sur la une ou la six chez nous. Avec les bons sentiments, la bonne famille américaine et son petit drame bourgeois, sa fin heureuse... Dans JFK, lorsque Jim Garisson assiste aux informations qui relate la mort de Bobby Kennedy, le frère de John qui fut assassiné à sa suite, il court dans la chambre de sa femme pour lui annoncer la nouvelle. Alors, tout le film durant, sa femme coupe les ponts avec lui, ne croit pas à ses théories, le somme de revenir dans le cercle familiale tandis que lui sacrifie à chaque fois exactement ce qui représente l'ordre familiale à l'américaine (thanksgiving par exemple)... Et là, soudainement, sa femme prend conscience qu'il a peut être raison (et ça tombe bien puisqu'il vient de prédire dans la scène précédente la mort du frère Kennedy, un peu comme un sinistre prophète) et que font-ils? je vous le donne en mille: ils s'embrassent et s'allongent dans le lit nuptial en pleurant. Nous voilà donc dans le schéma parfait du drame hollywoodien classique, ou finalement la résolution du film passera avant et surtout par le retour à l'ordre familial et au paisible. Une certaine idée de l'Amérique.


Mais alors, enfin, quel est le retournement que le film cherche tant à opérer sur les consciences, sur son audience de spectateur?


eh bien c'est peut être là qu'intervient, in fine, le geste le plus transgressif du cinéaste puisque, dans un geste cynique, dans une ironie ultime, on comprend que, pour éveiller l'américain moyen dans sa propre quête de vérité, pour lui faire prendre conscience que sa démocratie est pourrie, qu'il y a "quelque chose de pourrie au royaume du Danemark" comme l'explicite Garisson avec son allusion à Hamlet, et bien il faut passer par la forme classique hollywoodienne. Il n'y a que par le biais de ce téléfilm pour lequel l'américain moyen se passionne qu'on ne pourra lui parler du drame de son pays et de sa démocratie, essaye de lui faire prendre conscience de son rôle, de son impuissance par le passé et l'incité à la réaction sur le mode du présent.


Dans un ultime sursaut, le film par le biais d'un panneau final, intègre son impact sur les spectateurs et les consciences contemporaine explicitant le fait que, sur la force de cet impact, les strates politiques du moment ont assoupli jusqu'au possible les mandats qui restreignent l'accès aux archives de la commission Warren. Mais quel est donc ce sursaut final d'orgueil, ce triomphalisme de pacotille? Finalement, est-ce qu'Oliver Stone ne prend pas ses contemporains pour des ploucs en leur assénant sa vérité à lui, sa version des faits? N’y-a-t’il pas là, dans cette volonté d'absolue historique, une position de despote culturel, une certaine malhonnêteté intellectuelle? La réponse réside dans cette autre sujet que le film va traiter en secret, à l'abri cette fois-ci de nos regards de spectateur de cinéma, comme un hors champs invisible et absolu vers lequel le film tout entier tend: il s'agit de la guerre du Vietnam, de la machinerie de guerre qui se joue à ce moment là, qui se met en place, s'exécute, écrase tout sur son passage. JFK montre tout les prérequis pour la mise en place de cette horreur qui ferme le vingtième siècle. En ça, les intentions sont très louables. Mais ne s'agit-il pas encore d'une couche d'ironie supplémentaire en opposant la famille américaine type avec les massacre perpétué au nom des ses idéaux fondateurs?


On sait qu'Oliver Stone a traversé le Vietnam personnellement qu'il en est revenu avec cette vocation d'interpeller, d'être cinéaste. Il y consacrera son film suivant, comme un contre-champ de JFK.
10 après avoir tourné JFK, et face à l'évènement terrifiant qui ouvre le vingt-et-unième siècle, qu'en est-il de cette vocation. A regarder son film sur le World Trade Center, on comprend qu'Oliver Stone a définitivement perverti son propre système de perversion, au point de ne faire plus qu'un film noir, et sans images, lui qui a tant voulu filmé tout, tout de suite, en plein lumière et au temps présent. Triste sort.


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le 26 sept. 2017

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