Oliver Stone aime appuyer là où ça fait mal dans la société US, car ici, il s'attaque à un épisode trouble de l'histoire américaine, à l'origine d'un grand traumatisme qui est encore sensible dans les consciences : l'assassinat de Kennedy en 1963 à Dallas dont toute une génération reste sur le sentiment d'une vérité étouffée en haut lieu. Stone ne raconte pas l'histoire de JFK, mais celle de Jim Garrison, celui qui a voulu faire éclater cette vérité, un procureur provincial en lutte contre le pouvoir fédéral et la corruption, un homme du pays profond tel que les aimait Capra, qui ressuscite le profil hollywoodien du justicier solitaire et idéaliste, un rôle taillé sur mesure pour Kevin Costner qui reprend le flambeau de James Stewart et de Gary Cooper, un homme engagé dans un combat qui devient une idée fixe.
En s'attaquant aux thèses officielles sur les dessous occultes d'un crime qui hante l'Amérique, Stone confirme donc sa réputation d'auteur engagé, et crée une onde de choc dans l'opinion publique américaine, car il n'hésite pas à proposer son explication d'un crime dont les véritables coupables n'auraient jamais été inquiétés, alimentant les rumeurs populaires les plus folles et les hypothèses paranoïaques. Le film a suscité des remous à sa sortie, les arguments du réalisateur étant assénés avec force ; il n'affirme rien pourtant, mais livre sa version de l'affaire, qu'il transpose en thriller politique de 3h passionnant, bien qu'un peu trop verbeux.
Au-delà de la controverse, le film de Stone fait définitivement la preuve en 1991 du talent de son réalisateur et de sa virtuosité à livrer une brillante démonstration à la mise en scène nerveuse et au rythme infernal, bourré d'effets de style et de montages "cut", sorte de kaléïdoscope d'images foisonnant. Grâce à ce film, le réalisateur avait réussi à ramener dans les salles un public jeune qui s'était détourné des questions politiques.
A la tête d'un casting prestigieux (où de grands acteurs comme Donald Sutherland, Walter Matthau ou Kevin Bacon tiennent de petits rôles mais essentiels dans cet engrenage fastidieux), et parmi une foule de plus de 200 personnages, dont certains sont pittoresques, Kevin Costner prête son charisme à ce magistrat assoiffé de vérité. Un film à voir.