« Re-issue ! Re-package ! Re-package ! ». Morrissey nous l’avait chanté, cette fabrique de la répétition, cette entreprise « Kleenex », ce dessin vulgaire que représente l’industrie du disque. De reprises en Best-of, les histoires se répètent. Tout cela pour quoi finalement ? « On their hands - at last ! - a dead star » concluait le chanteur des Smiths. A Star Is Born ne déroge pas à ce processus. Quatre versions, et la preuve que le mythe résiste au temps. Ou plutôt que le temps résiste au mythe. Puisque son histoire est cyclique, vouée à la répétition et inchangée même dans son actualisation. Une étoile monte, l’autre s’éteint. Pitch parfait, aussi simple que cela. L’histoire de l’univers, encore et toujours, où seul l’amour, ce grand Big Bang, en serait la clé, Across the Universe.


L’œuvre de Cukor avait ce souffle mélancolique, cette fragilité dans le déclin, et cette fatalité Hollywoodienne, en va-et-vient, d’un désespoir du paraître. Celle de Bradley Cooper n’en a que la fièvre, et les élans académiques. Ce même regard amer, d’une célébrité éphémère, de dépendances, d’artifices et de formatage artistique, les unit cependant. Cette capacité au fond qu’a le système de créer des étoiles éteintes dès le commencement. Bradley et la « scoop peur », probablement. Peur de perdre l’être aimé dans un système qui tue la pureté. Boire et déboires, poussant la chansonnette (autant la chanson que la nénette), Cooper explore la déformation de l’Image, et la nécessité de préserver l’intégrité artistique, lorsque le talent se noie sous l’artifice de la scène : toujours une question de gloire, et du revers de celle-ci, d’un « Star Power » marketé à tout va.


Car A Star Is Born est davantage une œuvre de transformation. Le récit d’une métamorphose, de l’artiste à la vedette, du naturel à la coloration factice, de Stefani à Lady. Le film en expose la trajectoire, au point d’approcher une certaine intimité. A visage découvert, sans fard ni paupiettes, Gaga explose sa radio, et impose son naturel à l’écran. Stefani Germanotta est née. La vie en (The) Rose, elle épouse le burlesque, offre sa voix au spectacle avant d’ouvrir son corps à la musique. Elle est la majestueuse surprise du film. Tout passe par les regards, et l’authenticité des émotions, débarrassées de l’artifice du personnage et de son excentricité. Elle y est authentique, naturelle et ouverte à la passion. Une performance, à n’en pas douter. Bradley Cooper adopte quant à lui le look de Kristofferson, la sensibilité de Cukor et la démarche estampillée Honkytonk Man : sans doute a-t-il appris de ses expériences Eastwoodiennes, pour devenir cinéaste d’un homme des hautes scènes.


L’ouverture annonce la couleur : fiévreuse, amoureuse, rêveuse, et (des)enchantée. Une douce référence à Judy Garland, quelque part, au-delà d’un arc-en-ciel, d’un titre rougeoyant à la grandeur d’une étoile, là où les rêves que tu oses rêver deviennent vraiment réalité. A l’image d’une première partie, d’une première heure, aussi tendre qu’exaltée. Les premiers pas imposent les acclamations, et les tympans implosent sous les vibrations de la scène. L’immersion en concert, A Star Is Born en élève chaque frisson. Son deuxième segment ne brille pas autant, et s’enlise globalement dans les conventions, et la prévisibilité inhérente au film de « succès/ retombée » : déchéance professionnelle, alcoolisme où cuve une dépression, frictions conjugales, « talentomètre » au plus bas. Pretty Woman ne sonnera plus pareil désormais. Tirez sur le guitariste ?


Efficace dans son classicisme à Oscars, Cooper corrige les déséquilibres de la version de 1976 sans pour autant atteindre la beauté de la version de Cukor. L’émotion dans la voix, des frissons dans les bras, A Star Is Born rayonne en duo, à l’unisson, dans son alchimie électrisante. « Shallow » commence, et le film y trouve son point d’orgue, tout en palpitations euphoriques et en aspiration au changement. Pop, et sans accroc, les paroles tempêtent et condensent l’essence du film : une déchéance à venir, et un bonheur qui s’interroge dans la célébrité : « I’m off the deep end, watch as I dive in ».


Finir sur une confession, peut-être est-ce là le plus franc aveu de sa propre récurrence : « La musique, c’est douze notes dans une octave. Douze notes et l’octave se répète. » Des notes imparfaites, une octave d’allégresse, et une œuvre d’équivalence qui ne change que dans l’évolution de son époque. Éternel, et à jamais d’actualité, tant qu’il y aura des étoiles et des octaves à faire naître, des reprises à fredonner et des images à déformer, au rythme d’un monde, que rien ne changera. Nothing’s gonna change my world…


The NeverEnding Story


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le 8 oct. 2018

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blacktide

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