Nicolas Cage... Il a tourné dans un parquet de films médiocres, s'est distingué avant tout aux yeux du grand public pour l'outrance de son jeu. et ceci, notamment à travers ses expressions simiesques et ses coupes cheveux qui ont fait de lui un sujet de moquerie. Et pourtant, il joue sacrément bien le bougre, quand il veut bien se calmer et sobrement, nous rappeler sa capacité exceptionnelle à se réapproprier viscéralement le rôle qu'on lui confie.
Si j'insiste sur ce point, c'est précisément qu'il ne pouvait faire autrement pour incarner ce rôle d'infirmier désabusé et rendu dépressif par son quotidien glauque au sein des quartiers les plus pauvres de New York. Sa collaboration avec Scorsese nous permet de suivre le quotidien d'une profession que l'on imagine bien entendu comme stressante mais dont on peut oublier qu'elle demande des nerfs solides, à cause de l'omniprésence de la mort au quotidien. Surtout dans un contexte où les individus pour affronter le mépris et l'indifférence des pouvoirs publics à leur égard doivent s'adapter à un quotidien difficile, où se mêlent l'alcoolisme, drogue et règlements de compte entre gangs. Les obligeant ainsi à s'endurcir plus que la moyenne des individus pour éviter de sombrer dans le cynisme et l'amertume.
Et à travers une exploration approfondie du quotidien de Franck Pierce, Scorsese réalise une oeuvre clinique mais aussi aux accents christiques ; marquée par la présence récurrente de la voix off de Cage dont nous suivons les états d'âmes qui ajoutent une mélancolie au travail d'immersion qu'effectue le cinéaste. travail qui nous plonge dans l'univers des quartiers pauvres new yorkais, marqués du stigmate de la honte et de la déchéance sociale. Et de ce fait, A tombeau ouvert s'inscrit dans la continuité directe de son taxi driver réalisé 20 ans plus tôt. Puisqu'il nous présente lui aussi un anti héros miné par la culpabilité, vaguant au gré de ses envies de la compassion à l'envie de tout exploser sur son passage. Tout en faisant un nouvel état des lieux de l'environnement social dans lequel sont immergés malgré eux les individus.
Mais bien que l'on retrouve comme dans Taxi Driver le constat des effets néfastes que peut avoir le quotidien et les différentes tensions sociales qui le fabrique sur un individu, le constat de Scorsese s'avère ici davantage positif. L'errance du héros au cours des différentes journées qui délimitent la progression du long métrage amène ce dernier à remettre en question sa mission mais aussi ses présupposés sur les objectifs de sa mission. Ce qui transparaît dans l'aspect fantastique du long métrage. Puisque le chemin de croix du protagoniste est aussi marqué par l'apparition du fantôme d'une jeune fille qu'il n'a pu sauver. Cet élément agit comme un fil conducteur au sein de ses différentes missions et, peu à peu, fait prendre conscience à notre Cage tourmenté qu'en tant que simple individu et non en tant que dieux omniscient il est faillible comme tout un chacun. Et que la rédemption passe par le respect du choix des autres de vivre mais aussi de mourir.
Rompant ainsi avec sa vision plus pessimiste sur l'aliénation de l'individu par la société, Scorsese réalise une oeuvre dont la froideur et la lenteur apparentes laissent place à un discours valorisant l'empathie de l'homme pour son prochain comme valeur essentielle, non seulement pour conserver son humanité mais aussi pour échapper à la pression sociale qui tend à nous diriger vers une vision pessimiste de l'évolution du monde et des individus. Ce que Cage arrive à nous faire ressentir avec son jeu touchant et tout simplement sans faute.