Såsom i en spegel introduit une seconde forme de triptyque -réel ou non- au sein de l'oeuvre de Bergman, qui se poursuivra avec les communiants et se terminera avec le silence. En réalité, Bergman annoncera qu'une rupture dans son œuvre aura ici principalement lieu avec Nattvardsgästerna, plutôt qu'avec ce drame familial où le suédois revisite une énième fois ses thèmes de prédilection sans encore vraiment se réinventer.
La cinématographie de Nykvist est ici encore superbe et naturelle, et ses grands angles font beaucoup pour nous isoler sur une île où les trois alter-egos de Bergman se retrouvent impuissamment confrontés à l'hystérie inquiétante d'Harriet Andersson, souffrant d'un mal indicible, et dont les visions et délires mystiques sont une nouvelle fois pour Bergman l'occasion de questionner la nature spirituelle de la réalité.
On comprend très vite que la figure paternelle ici : froide et fautive, fuyant ses responsabilités en raison de contradictions indicibles et de conflits irrésolus (dans la famille, ils sont souvent Freudiens et assez littéralement incestueux chez Bergman), est la première responsable de la taille réduite du comité qui composera le film, et du malaise qui y règne. Gunnar Björnstrand, qui incarne ce père flegmatique et tourmenté, représente le Bergman froid et distant de l'âge adulte, celui qui se protège de ses angoisses en enfouissant ses sentiments et en évitant de se dévoiler au regard des autres.
Son fils Fredrik représente le Bergman insouciant de l'enfance, celui que le suédois se plaît si souvent à regretter, et qui entre ici dans l'âge adulte de façon plus ou moins tragique. Enfin, le mari Martin (Max von Sydow), représente naturellement le Bergman époux, lié à s(a)(es) femme(s) par des rapports typiquement déséquilibrés, paternalistes dans leur structure, et où l'abandon bienveillant de l'un ne fait rien pour solutionner l'incompréhension mutuelle profonde qui naît d'une divergence au degré le plus fondamental de l'appréciation du réel : l'un étant tourné vers l'au-delà, vers l'appréciation sensuelle de la vie et la recherche de sa continuation, quand l'autre reste résolument tourné vers une approche rationaliste du réel où la mort et le néant qui lui succède reste la seule destination téléologique.
Finalement, quand Dieu ce révèle à cette jeune-femme schizophrène, c'est en prenant la forme monstrueuse d'une araignée (”le dieu de la souffrance et de la frustration silencieuse”, précisera Bergman), incapable d'apporter le salut ou le répit tant attendu.
Mais tout n'est pas perdu pour autant et dans sa résolution, Bergman nous laisse entrevoir la possibilité d'une forme de compensation téléologique dans la recherche et l'entretien de rapports humains mutuellement bienveillant. Une façon, encore une fois, de réinstaurer une forme de sacré (qu'il désavouera toutefois définitivement avec Nattvardsgästerna.