A trois on y va, comédie romantique sortie le 25 mars dernier, est le sixième long métrage du réalisateur français Jérôme Bonell, connu pour Les Yeux clairs (2005), et plus récemment pour Le Temps de l'aventure (2013) avec Emmanuelle Devos et Gabriel Byrne. Son nouveau film, comparable à un vaudeville, reprend le thème du ménage à trois, si cher à la littérature, au théâtre et bien-sûr au cinéma (Sérénade à trois (1933), Jules et Jim (1962), The Doom Generation (1995), Innocents (2003), Les chansons d’amour (2007), Vicky Cristina Barcelona (2008), Les Amours imaginaires (2010), Stoker (2012)…), et le traite avec une exceptionnelle douceur et une rare poésie.


C’est l’histoire d’un couple de jeunes lillois, Micha (Félix Moati) et Charlotte (Sophie Verbeeck), qui vivent ensemble depuis peu malgré leurs doutes amoureux, et qui respectivement et sans le savoir, vont avoir une aventure avec la même jeune femme, leur amie Mélodie (Anaïs Demoustier), personnage central dans cette situation inédite et délicate, qui devra y faire face de chaque côté sans éveiller le moindre soupçon. En résumé, un trio amoureux qui repose sur un comique de situation pour mieux donner dans le Marivaudage et conduire à de nombreuses scènes drôles et touchantes à la fois.


Ce film est une délectation, d’abord pour son réalisme. C’est le portrait d’une jeunesse actuelle, libre, insouciante, et aussi vivante qu’attachante. Comme dans Quatre mariages et un enterrement (1994) ou Les Poupées russes (2005), le spectateur s’invite à une table de trentenaires et découvre leur intimité (scènes à table, au lit, envois de textos…), leur questions et leur quotidien : problèmes de loyer, emménagement (peinture des pièces, chaises ramenées du dépôt-vente…), soirée en appartement, concert, mariage etc. Les petites vies si familières et presque réelles d’un vétérinaire, d’une chanteuse et d’une avocate dans un Nord-Pas-de-Calais (ça fait du bien de sortir de Paris) authentique (sans être ch'ti dieu merci), arpenté depuis les trottoirs ou sillonné en 405, de jour comme de nuit, dans un parfum de réjouissance et d’été. Avec cette esthétique du naturel, du jeu et des répliques spontanées, où les cheveux se décoiffent et le corps s’exhibent devant une caméra attentive et virevoltante, on peut parler, si toute fois le terme existe, de « nouvelle nouvelle vague », à la manière d’œuvres récentes comme Un monde sans femmes (2011) de Guillaume Brac et Les Combattants (2014) de Thomas Cailley.


Mais on se délecte aussi du lyrisme du film. A trois on y va est une histoire de cache-cache, de chat perché et de cerf-volant ; une comptine pour des enfants devenus grands qui fuient l’âge adulte. Les questions conventionnelles de morales, de sexe, de jalousie, et d’avenir sont écartées pour laisser une place entière à l’amour et son innocence originelle. Une qualité rare, audacieuse et efficace. Dès les premiers instants le spectateur est conquis par ces échanges de regards, de sourires et de déclarations chuchotées. La projection se poursuit et bientôt il succombe à la douceur des caresses et des baisers pour éprouver lui aussi un doux sentiment amoureux. Vous vous étonnerez à désirer chacun des trois acteurs. Ils ont été formidablement dirigés, on sent leur chaleur habiter la mise en scène. La coquetterie pastelle du cadre et les mélodies planantes de la bo contribuent elles aussi à l’envoutement de l’émotion.


Certains diront sans doute que ce film manque de crédibilité et d’audace, ou que par moment il est redondant et balbutiant. A chacun de se faire son avis, mais l’intérêt du film c’est sa poésie et sa légèreté, et en cela le pari est réussi. Le spectateur qui en ressort est euphorique, optimiste et se dit « mince, j’avais oublié que le cinéma français pouvait être aussi sympa. »

AxelFossier
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le 14 avr. 2015

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Axel Fossier

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