L’animation japonaise des années 80 et 90 regorge de films apocalyptiques. A Wind Named Amnesia en est un, mais il se différencie des habituelles catastrophes nucléaires ou climatiques par la mise en scène d’un vent mystérieux qui provoque l’amnésie de l’ensemble du genre humain. Cette idée nous plonge d’emblée dans de saisissants tableaux de villes et de paysages hantés par des hommes réduits à l’état d’animaux, vivants au mieux en tribus adorant des idoles païennes, ou au pire en bêtes solitaires s’entre‑tuant pour un peu de nourriture.
L’originalité du scénario est d’opposer à ces meutes humaines un personnage qui va recouvrer la mémoire, et donc la parole et son humanité. Wataru, « voyageur » en japonais, devient ainsi comme une mémoire vivante de la civilisation humaine agonisante, en partant sur la route à la découverte de ses vestiges, pour peut‑être un jour transmettre ce qu’il a vu et appris à d’autres éventuels rescapés du vent de l’amnésie.
Les péripéties de notre musée vivant, comme on pourrait l’appeler, sont en revanche moins originales, même si elles ne sont pas dénuées de charme. Il est poursuivi par un robot fou qui, on ne sait trop pourquoi, ne le lâche jamais (à la manière d’un Terminator, première version bien sûr) et semble capable de se réparer indéfiniment. On rencontre aussi une ville idéale, épargnée en apparence par le fléau, qui fait penser au Meilleur des mondes de Huxley ou à THX 1138 de George Lucas, sans compter les multiples hommes‑animaux terrifiés par le langage et qui sont revenus à des sociétés tribales et sacrificatoires. L’ensemble insiste lourdement sur la fragilité de notre civilisation et tend bizarrement à montrer que tous, sinon notre héros, préfèrent se réfugier dans la peur, l’animalité et l’obscurantisme, plutôt que d’être courageux et de partir voyager aux quatre coins de la terre en quête de savoir et de culture. Le film est ainsi un peu comme un signal d’alarme contre à la fois les mauvais penchants de l’homme qui pourraient revenir très vite, mais aussi contre la toute‑puissance de la science souvent menaçante dans le récit. Malheureusement, l’explication finale de la cause du vent d’amnésie, complètement inutile du reste et dont on se serait fort bien passé, gâche un peu ces péripéties assez distrayantes.
Il reste néanmoins que le dessin des personnages, inspiré par les illustrations de Yoshitaka Amano pour le roman original dont est tiré l’animé, est très réussi, que ce soit les hommes ayant encore un aspect civilisé ou les bêtes humaines grouillant dans les villes. Les couleurs et la luminosité des zones et paysages traversés sont tout autant convaincantes, comme c'est le cas avec la grisaille poussiéreuse et angoissante des métropoles abandonnées ou encore avec la blancheur éclatante, presque agressive, de la « ville éternelle ». La musique, enfin, fonctionne bien en venant appuyer les moments inquiétants ou accompagner les scènes d’actions.
En somme, A Wind Named Amnesia est réussi sans pour autant être exceptionnel. À conseiller aux amateurs de science‑fiction et à ceux aimant un brin de réflexion dans les animés.