A zori zdes tikhie (2015), qui a jamais entendu parler de cette petite merveille ?
La faute au titre, simple transcription en caractères latins du titre russe ? Ou bien l’œuvre est-elle desservie par un sous-titrage exclusivement en (mauvais) anglais ?
Pourtant, remarquablement interprété, bien filmé, sensible, et loin de l’esprit militaro-patriotard de bien des productions de la Russie poutinienne, il serait dommage de passer à côté de l’histoire de ces jeunes femmes qui furent englouties dans la tourmente de la « Grande Guerre Patriotique », ce traumatisme toujours vivant de l’invasion de l’Union Soviétique par les nazis.
Ce remake d’un film de 1972, plus connu sous le nom de The dawns here are quiet (La 359e section) existe sous les formes accessibles gratuitement sur Youtube d’un film (1h50) ou d’une mini-série de 4 fois 50 minutes. C’est cette dernière que j’ai vu avec beaucoup d’émotion.
L’action prend place en Carélie en 1942. Dans l’immense forêt du nord face au front finlandais, le sergent Vaskov commande une batterie anti-aérienne isolée. Sous-officier taiseux et tourmenté, il cohabite maladroitement avec une paysanne guère plus bavarde (que de sentiments avec si peu de mots entre ces deux là !). A sa grande stupéfaction, on lui envoie pour tenir ses canons des jeunes femmes. La chef du groupe, déjà endurcie par les combats, veille sur ses ouailles et ne se montre pas impressionnée par un Vaskov peu doué pour l’autorité. S’engage alors une cohabitation avec ces jeunettes qui viennent titiller un Vaskov gêné dont le plus grand mérite semble d’être le seul homme à des dizaines de kilomètres à la ronde.
Cependant, la guerre s’infiltre jusqu’à ce lieu retiré. Deux parachutistes allemands sont signalés. Vaskov, qui reçoit l’ordre de les capturer constitue une escouade et va leur tendre un piège qui va s’ouvrir béant sous les pieds de ses protégées, au cœur d’une forêt qui se révèle être un ennemi en soi.
L’histoire personnelle des personnages est restituée avec une véritable profondeur par flash-backs et éclaire une URSS dont on n’élude pas la cruauté, avec ses ennemis du régime jetés dans le néant sibérien, ses exécutions, et ses vainqueurs, véritable bourgeois communistes ou gens modestes réalisant leur promotion sociale par l’éducation. Autant de trajectoires que la sauvagerie de la Guerre à l’Est va briser et dont on peut trouver l’écho chez Snyder (Terres de sang) Lopez (Barbarossa) et surtout Svetlana Alexievitch (La guerre n’a pas un visage de femme).
Dans The dawns here are quiet, on voit des jeunes femmes qui vivent la guerre d'une façon qui leur est propre. Mais avec autant de courage que les hommes.

subtilis
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le 13 mai 2020

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