Un OFNI à voir et à revoir !
1972: c'est l'année du scandale du Watergate et lentement la guerre du Vietnam touche à sa fin. C'est dans un contexte politique évidemment très mouvementé que sort ce véritable OFNI qu'est Abattoir 5.
Honnêtement, on a beau y réfléchir, il est difficile de classer l'oeuvre de Hill. Oscillant avec brio entre drame et humour, Abattoir 5 est une très jolie fable humaniste. C'est l'histoire d'un jeune homme, Billy, qui se dit capable de voyager aussi bien dans le passé que dans le futur. Vivant dans le douloureux souvenir de la Seconde Guerre mondiale et du bombardement de Dresde, ville où il était détenu prisonnier. Vivant dans une forme de présent où sa femme vient de décéder, mais qui lui permet se rendre compte que son mariage n'était pas la plus grande des réussites. Et dans un futur, sur une planète où il vit dans un dôme avec une actrice et surveillé par des êtres invisibles, mais protecteurs. Le tout forme un montage éclaté, mais incroyablement réussi, proposant d'ailleurs des jolis plans de transitions pour voyager d'une époque à une autre.
Abattoir 5 pourrait être à la guerre du Vietnam ce qu'est La vie est belle à la Seconde Guerre mondiale. Une oeuvre permettant d'échapper à la triste réalité que vivaient les gens de l'époque. L'oeuvre est une véritable propagande anti-militariste. Parce que Billy a beau être un soldat, c'est avant tout un être naïf et gentil pendant la Seconde Guerre mondiale, à qui on doit parfois rappeler que tout le monde n'est pas bon. Le manichéisme n'est certainement pas de mise. Les Américains ne sont pas toujours gentils (le pire ennemi de Billy est un ancien GI qui veut le tuer), les Allemands sont dépeints très justement entre soldats normaux, population subissant elle aussi la guerre et SS contrebalançant le tout. Les Russes sont aussi dépeints et voulant déjà être sacralisés comme les ennemis futurs de l'Amérique, Hill les montre comme des hommes, tout simplement. Bref, l'ennemi n'est pas toujours là où on croit. Inutile de vous dire à quel écho cela renvoie.
C'est aussi l'histoire d'un mariage presque raté. C'est vrai, Billy a une femme et deux enfants. Mais la première est attachée aux éléments frivoles et aux objets superficiels. Elle parle de régime? Elle ne le fera jamais. A cela s'ajoute une fille qui ressemble à sa mère et un fils, rejetant d'abord l'univers familial créé par cette mère, mais rendant de la sorte très fier Billy, se reconnaissant d'une certaine manière dans son fils. Un fils qui combat au Vietnam.
On pourrait s'attendre à de la lourdeur ou à de la naïveté. Non car Hill trouve à mon sens le mot juste. Le drame est bien mis en scène avec un bombardement de Dresde touchant, mais qui dure que très peu de temps (grâce aussi au montage éclaté). Et puis, il y a énormément de second degré et de situations cocasses qui apportent de l'humour à tout cela. Le décès de la femme de Billy est presque digne du burlesque, ses phrases sur le régime, le chien, ou encore la propre mort de Billy, absurde par excellence.
Mais comment interpréter alors le monde futur du personnage? C'est à nous de faire un tel cheminement. Une envie de fuir le présent ou cette planète Trafamaldore est réelle? A nous de voir évidemment. A noter que sur cette planète, les êtres ont très envie de voir Billy et sa compagne se reproduire. On ne le verra cependant jamais à l'écran. Ca fait évidemment penser à la libération sexuelle, toujours avec humour (Billy engueulera son fils pour regarder ce genre de choses, mais il y prendra du plaisir aussi). Il y a aussi un moyen de s'identifier parmi les habitants de Trafamaldore qu'on ne voit jamais, mais qui veulent tout voir et tout connaître. En ne montrant pas la reproduction, Hill tend à démontrer qu'il ne veut pas expliquer le film, mais que c'est au spectateur de le deviner et de reconstruire le puzzle.
Enfin, ce montage éclaté qui envoie Billy dans le passé, le présent et le futur rappelle aussi quelque peu La vie est belle de Capra quand Stewart est renvoyé par l'ange dans son époque, mais s'il n'avait jamais existé.
Enfin, notons que Pilgrim signifie pèlerin et Abattoir 5 est le lieu de résidence des soldats américains à Dresden. Encore un écho sur le Vietnam et la chair à canons?
En soi un vrai chef-d'oeuvre de toute façon.