Léger risque de spoiler.
Intéressant de voir comment Abattoir 5 s'inscrit dans la pure tradition du fantastique littéraire (je ne sais pas ce qu'il en est du bouquin original), gardant entiers son mystère, son ambiguïté concernant la véritable signification du récit. Sommes-nous face à un personnage aux pouvoirs surnaturels ou seulement à un homme se perdant petit à petit dans ses souvenirs, ne sachant plus faire la différence entre le réel et son imagination ? La construction narrative elle-même, alternant les moments dramatiques et ceux d'un burlesque littéralement incroyable (l'accident, le Captain America version Nazi, les habitants du Dome, la mort du soldat...), ne cesse de souligner cette incertitude. Une scène en particulier semble remuer le couteau : celle de la mère de Billy qui, discutant avec un homme dont on ne saura jamais rien, lui explique que son fils, vraisemblablement malade, revit au même moment la guerre. Comment le sait-elle ? Pourquoi n'est-elle pas étonnée ? Pourquoi cette scène précisément, la seule où un tiers (exception faite de Montana) accepte la nature du personnage, se déroule-t-elle dans un hôpital ? D'ailleurs, d'où vient le talent de Billy ? Le spectateur, baladé entre diverses époques, divers moments marquants du personnage, n'en saura jamais rien, ce qui fait là toute la saveur du film. Car, le long métrage n'est peut être au final qu'un film profondément triste sur l'état psychologique d'un homme qui n'a fait que souffrir toute sa vie (l'absence de père, le choc traumatique de la guerre et la perte du père de substitution, le mariage peu épanouissant, les enfants ingrats) et qui désire fuir la réalité par ces projections (jolie métaphore du cinéma, comme l'indique la scène du drive in). Certes, malgré quelques effets de montages visuels et sonores osés entre les époques, on aurait préféré un film peut être un peu plus nébuleux, plus onirique, comme nous l'annonçait cette magnifique séquence hivernale, que ce simple entrecroisement de séquences finalement ordonnées. Mais le résultat possède une réelle atmosphère et, perdu entre mémoire et réel, entre fantasme et vérité, Abattoir 5 s'inscrit timidement mais surement dans le même courant que Lynch, Resnais ou encore Has.