L'art est juste un gigantesque canular
Après "Takeshi's" (traitant de Kitano acteur) et "Glory to the Filmmaker!" (centré sur Kitano réalisateur), vient "Achille et la tortue" (portrait de Kitano peintre), dernier volet de cette trilogie introspective.
La saveur de cette comédie repose sur une invention: le gag artistique. Le ton reste léger et irrévérencieux, alors qu'en toile de fond le milieu de l'art contemporain japonais est dépeint comme un nid d'escrocs.
Le titre, "Achille et la tortue", fait référence au paradoxe de Zénon d'Elée, dont Kitano propose, en prologue, une interprétation. Il renvoie au destin de Machisu, le personnage central de ce film, un peintre éperdument amoureux de son art mais malmené par la vie, un perdant magnifique qui aura voué chaque instant de son existence à sa passion sans jamais rien obtenir en retour. Du cubisme à l'action painting, du pop au body art, du minimalisme au graffiti, il rebondit d'un style à l'autre au gré des critiques du galeriste. Poussant toujours plus loin son investissement, prêt à mettre en jeu sa vie et celle des autres, il imagine des mises en scène de plus en plus folles, qui donnent lieu à des scènes d'une drôlerie insensée. A l'arrivée, l'artiste ne trouvera jamais son style, il se contentera de plagier de grands auteurs, mais la récompense, c'est l'amour d'une femme qui le comprend.
Sans jamais verser dans l'outrance, l'art de la comédie qui se déploie ici repose sur un dialogue subtil entre des jeux de formes et de couleurs, un sens des situations et une économie narrative parfaitement maîtrisée. Le réalisateur Kitano rappelle qu'il peut faire preuve d'une sensibilité surprenante sans rien perdre du sens des réalités, ni verser dans le sentimentalisme.