Du recrutement à la fiction, il y a un gouffre
Un film de commando US allant dessouder du terroriste ou du gros méchant de nazi, il semblait évident que le risque était grand de tomber sur un gros nanar. "Act of Valor", une fois la bande-annonce visionnée, avait pourtant de quoi laisser quelques espoirs. Les derniers films du genre que j'ai pu voir, "Zero Dark Thirty", "Age of Heroes", "Code Name : Geronimo" ,ou "Du Sang et des larmes" m'avaient finalement assez plu, du moins avaient-ils évité la catastrophe. Le dernier en date "Du Sang et des larmes", était même passé tout près d'une bien meilleure note, la faute à un réalisme vanté mais au final assez bidonné.
Ce nouvel opus respecte nombre de bases des codes d'un genre devenu classique depuis l'immense 12 Salopards pour ne parler que de lui. Une bande de soldat super entrainés, des ennemis vraiment salauds, de la baston, du sacrifice et, au final, de la victoire. Le très marqué Navy Seals avait en son temps meublé deux ou trois soirées adolescentes avant que mon cerveau ne finisse par se mettre en marche pour lire entre les lignes d'un pure produit de propagande assez faible. Bon, au moins il y a avait Charlie Sheen et Michael Biehn ...
Mais revenons à nos moutons. Act of valor n'est pas une purge absolue. L'armée US a fait le job en livrant du matos comme l'armée française l'a fait pour le très critiqué et démonté Forces spéciales de Stephane Rybojad. Faudra d'ailleurs que je songe à une critique pour expliquer mon généreux 5 dans ce film bourré de cliché mais qui a eu au moins le mérite de montrer les limites des hommes.
Toujours est-il donc que l'étalage de matériel est sympa ; opération aéroportée, sous-marin, vedette rapide équipée de sulfateuse en veux-tu en voilà, même le pauvre Commando de Schwarzy en devient ridicule. Rythmé, le film déboîte pour finir dans un level bien hardos où il faut vite passer de a à q pour éviter les grenades et pas oublier de rusher vers les munitions car ... Mince ! Quoi ? Fidèle lecteur tu n'as jamais joué à Call of Duty ?
Et voilà, on touche au but. Call of Duty. Le scénario est monté sur un intrigue de cette bonne vienne série de FPS où on traverse le monde entier à la recherche d'un gros terroriste qui veut tout faire péter. Un islamiste, attentat aux Philippines, balade chez une saleté de Ruskov plein aux as, vendeur d'arme en Ukraine, un niveau en Amérique centrale histoire de rappeler la dégénérescence de cette terre de latinos chargés de cocaïne, de jolies latines lassives et d'idéaux socialistes foireux. Même certaines vues de caméras suggèrent très explicitement la vue FPS avec au bout de son écran, son M14. Ce parti pris est bien entendu un problème ; pour les joueurs le clin d'oeil est évident, pour le néophyte, on peut passer à côté et l'action peut devenir confuse.
L'autre point embêtant vient du fait que la multiplicité des opérations noie l'intrigue derrière des interactions foireuses. Comment croire à ce montage où une opération en plein milieu du Pacifique, de jour, débouche une minute plus tard sur une autre opération dans le désert somalien avant de basculer au Mexique, le tout en quelques heures. Tout semble trop artificiel et géographiquement frénétique pour fonctionner. Mais si c'était là la seule faiblesse du film, ce dernier pourrait être un vrai plaisir coupable.
Le gros souci vient du fond qu'une forme au final idiote vient abonder. Le fond tient dans le titre : Act of Valor. Dès les premières minutes on nous prévient. Ces mecs sont des patriotes 5 étoiles. Le grand père du héros central dont au devine le destin à venir, ben c'est un dur. Son grand père c'était pas une tapette. Il a sauvé son équipage de B24 dans le Pacifique lors de la guerre contre les Jaunes. "Le sang des guerriers coulent dans les veines de cette famille" ... phrase qui sera répétée à la fin du film. Les adieux aux femmes sont terribles : on se réuni, on fait du surf. Après on est une famille, on dégage les soucis pour être focalisé sur la mission. Votre femme enceinte vous regarde droit dans les yeux : "quand tu reviendras fais que je puisse te regarder dans les yeux". Ouai les mecs. On n'est pas des tafioles ; pas de "prends soin de toi, fait attention, planque toi" mais plutôt un "si tu vois une grande qui traine et menace tes potes saute dessus, souri et serre les dents".
J'ai découvert après coup que ce projet avait été monté par des Navy Seals en personne, pour mettre en avant ce corps d'élite. Ben c'est réussi. Toutes les opérations réussissent. Jamais de problème de matos. Les ennemis savent à peine tirer. Le Seals, même en pleine baston, il fait Head Shot à chaque coup. Le Seal, il encaisse une roquette RPG à bout portant et tombe tout juste à terre. Le Seal, criblé de balles d'une traitre tir de boss islamiquementtchécthénoisementphillipanorusse, ben il peut encore être près à lui tirer dessus. C'est les Seals, monsieur. Le Seal ne souffre pas. Il se sacrifie quand même histoire d'obéir à sa femme, mais il ne meurt pas tant que la mission n'est pas finie.
Musique pompeuse, ralentis foireux, mouchoirs fournis au bon moment, tout devient vite très lourd dans ce projet de pure propagande. C'est lisse, idiot là où on pourrait faire un film sur ces types de valeur, certainement, mais aussi plein de doutes et de failles. Franchement, quand on repense ne serait-ce qu'à l'approche d'un Danger Immédiat ... Du coup Act of valor parvient à rendre "Du Sang et des Larmes" presque crédible et "Forces Spéciales" quasi documentaire et profond. Le début distrait, le matos intéresse, mais vite l'ensemble agace. Le spectateur même amateur de FPS que je suis ne parvient pas à décrocher son cerveau. Le final, de plus en plus pénible s'éternise dans une cérémonie qui rate totalement son effet. Et puis merde ! La dernière tentative pour faire échapper le pauvre James Foley n'a-t-elle pas montré que ces gros méchants pouvaient se défendre avec un peu de réussite ? L'opération contre Ben Laden n'a-t-elle pas pris 10 ans et coûté de nombreuses vies et matos avant de réussir ?
Trop lisses, trop propres, trop parfaits ces soldats qui ne doutent pas, ces femmes coulées dans le cristal de la soumission à la bravoure, cet Oncle Sam qui dessoude à tour de bras au nom de la lutte contre le terrorisme, ces méchants sans nuances, propulsent cet Act of Valor au rang du terrifiant Bérets Verts de John Wayne.
Vendu comme un thriller d'action, comme un film sur ce monde qu'on connait mal, cette oeuvre est essentiellement une occasion de mettre en avant un indéniable savoir-faire interarmée. Après, techniquement on alterne le très bon et le lourdingue, sur le fond, on n'a rien. S'il avait été vendu non comme un film de fiction mais un documentaire, il aurait eu sa légitimité entière et n'aurait pas porté le flanc à ce genre de critiques. Là, sous ce format au service d'une intrigue largement en-dessous de n'importe quel épisode de Call of Duty, avec ces méchants au charisme douteux (merde, Nikita Dragovich c'est tout de même autre chose), c'est une oeuvre lourde, faible et au final creuse.
