Fade Astra
Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...
le 20 sept. 2019
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Ad Astra est un voyage initiatique, une odyssée où le but initial - une quête de réponses - se transforme en une quête de soi. Le scénario est simple, les décors sont minimalistes, les effets spéciaux efficaces, les dialogues sont succincts, il n y a aucune fioriture, rien de superflu.
Dans Ad Astra le temps s'étire autant que les distances, il n'y a pas d'artifice, pas de cabines de cryogénisation, pas de trou de ver, Roy McBride, astronaute flegmatique et taciturne, génialement interprété par Brad Pitt, ne peut que se soumettre aux lois de la physique et attendre patiemment que le temps passe. Ce temps devient alors propice à la recherche de soi, non pas que Roy se pose beaucoup de questions philosophiques mais bien qu'il n'ait pas d'autre choix que de s'observer s'enfoncer dans les profondeurs du système solaire. Alors la condition même de son existence et de son sens devient le sujet central du film.
Roy McBride marche malgré lui sur les traces de son père, interprété par Tommy Lee Jones, imminent scientifique et explorateur spatial parti à la recherche de vie aux confins de la galaxie. Une quête obstinée qui mena le père à annihiler toute forme de vie humaine pour poursuivre sa mission. Mais quel est le but au juste d'une telle exploration lorsque toutes les formes de communications avec les Hommes sont rompues et que le voyage est sans retour possible ? Il s'agit donc pour le père d'une quête de sens acharnée qui même si elle aboutissait ne pourrait combler en lui ce vide qui l'anime depuis toujours. Sa mission s'apparente plus à un exil, à une forme d'ermitage loin des Hommes et de l'insignifiance de leurs actions au regard de l'infinité des astres.
Roy McBride, sans le vouloir suit le même parcours que son père, il fait le vide autour de lui, seule sa mission fait sens, le reste n'est que perturbations, sa femme y compris, à l'instar de son père qui n'a jamais pris soin de sa famille. Lui qui sur terre menait une existence solitaire pour ne pas dévier de son objectif va être confronté à une forme de solitude encore plus extrême. Tout, autour de lui, explose, meurt, disjoncte, alors que lui suit une trajectoire linéaire. Bien sûr il souffre, hésite, angoisse, mais ce n'est pas la mort qui lui fait peur. C'est la peur d'être perdu, de ne pas savoir qui il est.
Ici on se concentre sur un homme qui prend de la hauteur pour observer de manière détachée et désabusée l'action de l'Homme, avec un grand H. L'utilisation fréquente d'une voix off renforce cet effet, comme si le héros était assis à nos côtés à subir impuissamment l'action de l'espace-temps.
Cet Homme qui a une soif insatiable d'explorations, de découvertes, de conquêtes, d'exploitations et de dominations. Alors qu'il a cartographié tous les continents, enterré toutes ses chimères, extrait toutes les ressources naturelles, il part pallier à la finitude de la terre et à ses rêves sans fin en colonisant successivement la Lune, Mars et bientôt Neptune ? Son orgueil et sa folie sans limite le pousse à l'assaut de l'infini. La Lune qui jadis était un terrain d'exploration scientifique et un symbole de l'exploration spatiale, se voit, dans ce futur proche (trop proche ?) dans lequel nous plonge le film, transformer en sixième continent au service du capitalisme et accessoirement comme escale spatiale pour Mars : on s'y dispute les ressources, on y fait des voyages touristiques et surtout on y achète des souvenirs en buvant un Macchiato au Starbucks. Ou peut-être était-ce une autre franchise ? Je prends le risque de l’amalgame.
Le scénario simple mais efficace est propice aux questionnements sur la vie. En apesanteur sur son siège de cinéma on ne se demande pas qu'elle était l'intention du réalisateur, James gray, ou quel était le sens de telle action, on le sait. On se demande plutôt quel est le sens de la vie, de celle de Roy McBride et de la notre. On prend conscience que notre existence n'est que poussière et fraction infime de temps à l'échelle de l'univers, mais que nous avons le temps suffisant et la capacité d'abstraction nécessaire pour nous en rendre compte. Souvent la contemplation s'arrête et laisse place à de belles scènes d'actions, sobres, minimalistes : un singe de laboratoire devenu fou, une surcharge de tension, une déviation de trajectoire. Le tout est bien dosé et apporte du rythme sans pour autant perturber le fil rouge. Évidemment personne n'est dupe, nous savons pertinemment que McBride saura surmonter ces embûches, car la cause qui le transcende est infiniment plus grande et belle que de simples corsaires de l'espace - corsaires dont la nationalité n'est pas dévoilée, ce qui évite de retomber dans un remake de la guerre froide -.
Les seuls éléments qui me freinent à mettre au film la note maximale sont les quelques facilités scénaristiques utilisées ici et là : le colonnel Pruitt n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer Roy McBride sur la condition de son père, Helen Lantos se voit contraindre à être une facilitatrice dont on peine d'ailleurs à comprendre les réelles motivations : pourquoi aider sans condition le fils de celui qui tantôt a froidement assassiné ses parents ?
Enfoncez-vous bien dans vos sièges, l'effet de l'apesanteur va se faire ressentir et une fois revenu sur terre, vous pourriez ne plus être tout à fait le/la même...
ToOoy
Créée
le 19 sept. 2019
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