Fade Astra
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le 20 sept. 2019
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Alors c’est censé être ça, le film qui renouvellerait à lui seul la science-fiction ? C’est censé être ça, le digne successeur de 2001 selon une presse aveuglée par le statut auteurisant de James Gray ? Mais en a-t-on besoin d’un ? A-t-on vraiment besoin de se fader ces tentatives médiocres où la plupart des réalisateurs se fourvoient en pensant tutoyer Kubrick dans de grands élans mystico-esthétiques avant de penser à faire un bon film ? On nous avait déjà fait le coup avec un Interstellar mastoc (sans parler de Gravity), et Ad astra, à l’instar du bidule de Nolan et de la bouse de Cuarón, risque malheureusement de se retrouver d’ici quelques années dans les nombreux tops des meilleurs films de l’histoire du cinéma et de devenir une soi-disant référence en la matière, citée bien avant 2001, Alien, Blade runner, Solaris ou Premier contact. Triste blague.
En gros, Ad astra, c’est du Tree of life dans l’espace. Gnangnan, creux, plombé par une voix off sentencieuse débitant en continu clichés et conneries sur le pardon, le dévouement, l’attention au prochain, mon papa qui m’a abandonné et ma chère et tendre que j’ai négligée comme une sale ordure que je suis, le film de James Gray n’est qu’un pensum sur l’héritage filial et l’amour qui nous sauvera tous traité sans pertinence ni profondeur (tous les seconds rôles sont complètement inexistants, et il n’y en a vraiment que pour Brad Pitt), sinon avec une gravité affectée. Dans ce long voyage vers Neptune d’un homme à la rencontre d’un père absent, devenu une menace et obsédé par l’idée de déceler une nouvelle forme de vie et d’intelligence, Gray n’a visiblement pas grand-chose à raconter.
Du coup il meuble, il bourre, il fait du remplissage avec des scènes d’action fonctionnelles (la course-poursuite sur la lune, qui donne l’impression d’avoir été imposée par les marketeux de la Fox) et autres péripéties qui ne servent strictement à rien dans la structure de l’intrigue (voir cette attaque de babouins enragés qu’on dirait échappés du mauvais remake de Jumanji : rires involontaires garantis), quand elles ne sont pas parfaitement incohérentes (entre autres parvenir à traverser un anneau de roches avec un mince panneau en tôle comme seule protection : Luc Besson ou Michael Bay se seraient fait dézinguer illico s’ils s’étaient permis une telle facilité scénaristique, mais là c’est Gray Madame, c’est un auteur Monsieur, alors on tique à peine).
Le final vient entériner cette anémie fictionnelle, final qui ne provoque absolument aucun émoi, aucun vertige, aucune exaltation, et ce face à face tant attendu entre le père démiurge et le fils comme vidé d’émotions, presque d’humanité, se résumera donc à un pétard mouillé où, entre deux lignes de dialogues insipides, Tommy Lee Jones grimace comme s’il avait un tour de reins et Pitt semble se demander s’il a bien fermé le gaz avant de partir, puis enfin à un adieu convenu, pas-du-tout-prévisible, dans l’ombre bleue et glaciale de Neptune. Pitt qui, à ce propos, tire la gueule pendant tout le film pour bien nous faire comprendre les doutes qui le tiraillent par rapport à son père et sa femme, réduite elle à deux ou trois plans accessoires (Liv Tyler devrait recevoir l’Oscar de la meilleure actrice dans la catégorie «Potiche qui sert à que dalle / Personnage traité comme de la merde par le réalisateur», tout comme la pauvre Ruth Negga dont le rôle est d’une indigence crasse).
Même la musique de Max Richter finit par être insupportable (un comble), passe-partout, omniprésente et venant surligner, avec force violons et envolées lyriques, ce qui est vu et/ou suggéré à l’écran. On pensait s’émerveiller d’une œuvre originale, intrigante et bouleversante (au moins la direction artistique est superbe, c’est déjà ça), pour finalement se retrouver devant une bouffissure qui se la joue sérieux à mort et utilise les mêmes moyens grossiers que le tout-venant hollywoodien. En voulant mêler l’intime à l’abîme du cosmos, en voulant dire que rien n’est plus infini et complexe que l’âme humaine (et bien plus que ce que l’on pourrait éventuellement découvrir au-delà des étoiles), Gray n’a réussi qu’à empiler poncifs et maladresses dans un récit balisé, rarement prenant. Pour se remettre d’un tel désastre, il est conseillé de (re)voir d’urgence Under the skin ou Premier contact qui, eux aussi, évoquent nos propres histoires, nos sentiments et nos failles face au mystère de l’inconnu, à l’immensité du noir et du vide, mais avec tellement plus de singularité et de puissance émotionnelle.
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