Ca fait des années que je dois voir Adaptation. Un film sérieux et reconnu avec Nicolas Cage. Mais moi, je préfère quand même mon Nic Cage quand il part dans ses délires, quand il fait le fou, qu’il a l’air possédé ! Mais ce qui m’a davantage freiné je pense, c’est que j’ai vu Dans la peau de John Malkovich, la précédente collaboration du réalisateur Spike Jonze et du scénariste Charlie Kaufman, et j’avais pas aimé.
Mais je vais à une avant-première d’Anomalisa mercredi, il y aura Kaufman (Charlie, pas Lloyd), donc j’ai voulu voir Adaptation avant.
Charlie Kaufman a écrit un scénario sur lui-même, ses névroses. Dépeint comme un type nerveux, dégarni, qui se trouve moche et gros. Mais il est joué par Nicolas Cage. Ce n’est pas un rôle dans lequel on l’imagine, il sort de sa zone de confort, et prouve qu’il peut être un très bon acteur quand il veut ; il donne une idée très précise du genre de personne qu’il veut représenter, bien que ça s’éloigne tellement de l’idée qu’on a de lui.
Meryl Streep, j’ai jamais été fan, mais elle m’a surprise par la justesse de son jeu aussi.
De la part de Kaufman, c’est vraiment courageux de s’exposer ainsi ; même si les évènements embarrassants de sa vie ne sont pas forcément vrais, je pense que cette vision négative de lui-même, pleine d’insécurités, est certainement véridique.
L’histoire débute à l’époque du tournage de Dans la peau de John Malkovich, quand Kaufman développait déjà son projet suivant. On l’approche pour écrire l’adaptation du Voleur d’orchidées, un scénario qui deviendra… Adaptation. (quand je pense qu’en cherchant le DVD, j’ai demandé au vendeur "Vous avez Adaptation ?" – "De ?" – "Adaptation." – "Ah, le film !" ; et en fait c’est vraiment une adaptation…)
Une adaptation, mais dont Kaufman s’éloigne pour raconter sa propre vie. C’est-à-dire lui qui ne sait pas comment adapter le bouquin.
C’est audacieux de prendre autant de libertés, et en même temps le scénariste se réapproprie le bouquin pour faire son propre truc, sans perdre au change. Charlie Kaufman dit lui-même ne pas arriver à parler d’autre chose que de sa propre personne (heureusement, il a prouvé l’inverse avec ses scénarios suivants), mais en abordant ses propres craintes, il développe une histoire au caractère plus humain. Mais il est aussi question d’écriture en général, en même temps qu’il se présente en train d’écrire le scénario dont on voit le film qui en a découlé, Kaufman confronte son point de vue et celui d’un gourou du scénario, Robert McKee (on en a d’ailleurs parlé en cours, et j’ai su de quoi parlait Adaptation quand on nous en a passé un extrait).
Ah oui et Kaufman/Cage a un frère jumeau, qui est co-scénariste du film, mais est fictif.
Charlie Kaufman aime décidément les concepts forts, mais la structure du film aussi est particulière. On saute à de nombreuses reprises plusieurs années dans le passé, pour suivre des histoires qui semblent différentes, mais finissent par être liées aux autres.
Et ces histoires en elles-mêmes sont atypiques, on n’a pas l’habitude de voir des vols d’orchidées par des indiens.
Ca s’avère captivant rien que pas les infos distillées sur les fleurs et les insectes. Et ça dit, discrètement, des choses plus vastes sur des aspects de la vie. Je ne m’y attendais pas, ça en découle naturellement, et a réussi à me toucher avant que je n’aie pu m’en protéger.
Kaufman a beau avoir fait ce qu’il veut du bouquin, il a eu le bon sens d’honorer l’auteure en reprenant les phrases qu’il faut, qui procurent au film une certaine sensibilité, soutenue par la réalisation soignée de Spike Jonze. (au passage, j’ai du mal à comprendre ce réalisateur, il a produit la série et tous les films Jackass, je rappelle)
Le titre, pourtant très simple, Adaptation, est bien pensé aussi.
Et ce film mérite sûrement plus ce titre que d'autres, pour lesquels "adaptation" est simplement synonyme de "transposition".
Le titre se réfère au bouquin, mais aussi aux plantes, leur capacité d’adaptation dont on parle dans le film, et qui sert de métaphore pour les personnages, qui évoluent en raison d’un milieu ou certaines nécessités.
Un peu comme Charlie s’adapte pour que son scénario donne quelque chose qui puisse devenir un film avec des enjeux. C’est ce qui donne cette dernière partie, qui vire au grand n’importe quoi ; j’aime moins, même en étant conscient des intentions de l’auteur, mais il faut avouer que là encore c’est sacrément audacieux.
Adaptation est un film spécial, c’est le moins qu’on puisse dire. On peut facilement ne pas y adhérer, mais Charlie Kaufman a vraiment fait quelque chose de fou.
Je me demande quelle est la part de vérité et d'invention dans le film, et vais faire ce que je peux pour me renseigner là-dessus.
EDIT : http://www.historyvshollywood.com/reelfaces/adaptation.php