Sur un ton théâtral assumé, Godard aborde différents thèmes comme la Seconde Guerre Mondiale, l'animal ou encore le corps, le tout dans une enveloppe plus que déconcertante. Dans ce film, on ignore tout des personnages : parcours, nom (certains peuvent être évoqués comme celui de Davidson), rôle, ce qui contribue à cet aspect déstabilisant du film.


Ainsi, dans son premier chapitre concentré sur la nature j'ai eu l'impression que Godard voulait nous provoquer en intégrant dans ses plans des TIC (smartphones en particulier), ceci critiquant alors notre rapport aux images aujourd'hui : on le remarque d'ailleurs dans la manière qu'il a de nous présenter de façon succincte plusieurs images qui semblent ne pas se faire écho. Encore, notre écoute des problèmes humains se fait aux dépens de ceux de la nature quand les termes "chômage" ou "terrorisme" retentissent de façon plus percutante dans notre oreille que le discours développé par la jeune femme dans une sorte de second plan auditif.


Ensuite, dans son second chapitre, "la métaphore", une jeune femme soulève deux questions :



Est-ce que la société est prête d'admettre le meurtre comme moyen de faire reculer [?] ?



Quelle différence il y a entre une idée et une métaphore ?



Mais finalement rien ne m'aura semblé faire sens en dépit de quelques remarques intéressantes (la société qui condamne l'expérience personnelle, l'image comme un assassinat du présent...).


Alors, comme Godard a décidé de casser les codes en saturant les couleurs et en saccadant l'ensemble, pourquoi pas continuer en revenant au premier chapitre : la nature ! Mais c'est finalement ici que j'ai le plus aimé le propos : en se référant au Penseur de Rodin comme image de l'égalité et au statut de l'animal en rappelant très justement la Déclaration Universelle des Droits de l'Animal de 1989, c'est ici que le discours m'a semblé le plus raccord. En effet, pour une fois l'image s'allie au propos avec la scène de la station essence où un homme rejette un chien, scène qui fait suite à l'idée que l'Homme est aveuglé par sa conscience laquelle le rend incapable d'ouvrir sa réflexion dans certains domaines.


Et, de nouveau, "la métaphore" nous revient offrant un propos sur le langage. Ainsi, l'une des plus belles phrases du film est selon moi celle qui montre que le langage s'individualise à tel point qu'il sépare, d'où le fait que



L'Homme a besoin d'interprètes.



Encore, il semblerait que l'on puisse dire adieu au langage durant un voyage, une réflexion qui m'a été donnée à voir grâce à la demoiselle rousse qui prend son bateau. En effet, quand on est étranger on ne peut plus se reposer sur le langage (au sens de parole) c'est pourquoi on en revient à un langage plus animal, celui de la gestuelle et du corps.


Finalement, aucun sentiment ni expérience n'est ressorti de mon visionnage. Si j'ai pu susciter un intérêt plus fort sur le fond que sur la forme, j'ai surtout ressenti quelque chose d'assez pédant dans ce film : on nous sert quelque chose d'extrêmement hétérogène et volontairement décousu où Godard, sous prétexte d'une sorte d'expérience cinématographique, abandonne le spectateur dans un bordel absolu tout en prétextant se justifier dès l'introduction de son film en disant que



Tous ceux qui manquent d'imagination se réfugient dans la réalité.



Pour résumer, j'ai trouvé que ce film n'était pas du cinéma mais que, toutefois, son propos vaste et protéiforme se tenait c'est pourquoi j'apparenterais plus ce film à un "essai visuel expérimental".

Lucien_Lecomte
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le 23 juil. 2016

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Lucien Lecomte

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