Le Garçon et le Monde
7.6
Le Garçon et le Monde

Long-métrage d'animation de Alê Abreu (2013)

(cette critique présente des spoilers)


Oeuvre vaste et protéiforme d’Alê Abreu, celle-ci prend les traits d’un film d’animation qui se destinera surtout aux adultes (je me demande l’interprétation plutôt prosaïque qu’un enfant pourrait avoir de ce film). Développant l’univers de ces derniers, l’introduction est très colorée et le monde animal y est omniprésent, des matières douces et légères (feuilles, nuages…) constituent cette introduction tout comme les motifs pastel qui rappellent l’école primaire, l’enfance (notamment « Elmer » l’éléphant multicolore !!). Cette oeuvre mérite incontestablement son prix du Festival d’Annecy de 2014, tant cette oeuvre fait foi d’un réalisme particulier.
Cependant, si le film débute sur l’imaginaire de l’enfant, un monde où on se perd facilement de par son immensité, où les animaux sont les amis du petit garçon, le film bascule lors de la disparition du père de l’enfant pour une raison qui demeure floue (travail, puisque c’est le fil conducteur du film ?). Ainsi, le train semblable à une chenille disparaît et marque le basculement dans la vie de l’enfant. L’enfant, qui jusqu’alors, à travers des jeux d’échelles, faisait la taille d’une feuille reprend sa taille normale, les couleurs s’estompent au profit du blanc, puis de couleurs plus sombres. Alors, le garçon désemparé, décidera de partir de chez lui en quête de son père : il y rencontrera ce vieil homme, qui se meut difficilement mais qui se voit forcé de travailler dans le secteur primaire en tant que ramasseur de coton. Milieu provincial, l’homme vit de peu et dépend de son travail, et en outre, de son patron : dépeint comme un tyran il ne se souciera pas de licencier une vieille dame exténuée par la tâche. Tous les employés sont pareil à une ruche où chacun récolte et dépose son butin pour leur menaçant patron. L’emploi du coton vient rappeler le nuage introductif, l’enfant s’y amusant, ne réalisant pas encore la dureté du monde qui entoure son voyage initiatique. Par ailleurs, l’enfant réalisera la sévérité de ce monde lors de l’expulsion du vieillard, mais ne prendra pitié que peu de temps, avant de repenser à son but premier qu’est retrouver son père. Il s’enfuira ainsi vers un nouveau milieu arrivant devant une usine.
Ce nouveau milieu va permettre à l’enfant de découvrir une autre partie du secteur primaire : les métiers d’usine, c’est une représentation du taylorisme. Le garçon découvrira ainsi ce nouveau milieu en suivant un nouvel homme, plus jeune - que le vieillard - qui, malgré un travail difficile vit plutôt sereinement à travers la musique, thème récurrent du film puisque l’enfant cherche à retrouver son père à travers cette musique. *(NB : je reprends cette critique, un peu délaissée de telle sorte que j’en ai oublié en partie le film, ce pouvant donner lieu à des imprécisions)* Cet homme travaille donc dans une usine où le coton y est tissé, les machines étant omniprésentes, la plupart ne sont pas « animalisées » comme le fut le train-chenille de l’introduction soulignant ainsi l’évolution du garçon. Ce métier permet à l’homme de survivre (son quotidien est rythmé par la télévision et une alimentation à base de boîtes de conserves du même produit) et d’avoir du temps pour ses loisirs : la musique qu’il joue dans la rue, jusqu’au jour où la société se voit mécanisée, et où les petits travaux de main d’oeuvre comme l’exerçait cet homme sont supprimés par soucis de compétitivité. Encore une fois, les plus hauts placés étant représentés comme des tyrans face au peuple (les employés deviennent des soldats face aux plus hauts placés).
Aussi, le combat entre l’oiseau « des Arts », coloré, gracieux face à un autre plus sombre, pernicieux comme un vautour est une scène extrêmement intéressante qu’on peut interpréter comme le combat vers l’âge adulte du garçon (doit-il se débarrasser de cet oiseau coloré pour devenir un simple rouage de la société ?). De plus, le passage de l’animation aux images documentaires laissera tout spectateur bouche-bée tant l’ambiance est majestueusement lourde de sens puisque ces images dénoncent une société inégalitaire, de surconsommation, ne se souciant pas de l’écologie. Enfin, lorsque le film approche de la fin et qu’on comprend - sans grande surprise - que les hommes qu’a côtoyé le garçon n’étaient que son futur, on adopte un second regard sur le film, et sur la décroissance de l’engouement de l’enfant pour l’Art (musical en particulier) qui adulte encore en profitait de l’Art qui lui faisait oublier les tracas de son quotidien, jusqu’à la bataille des volatiles qui marque probablement le tournant dans la vie du garçon (adulte). On peut se laisser dire que c’est à partir de ce moment et jusque ses vieux jours que l’homme a délaissé l’Art pour un travail éreintant ne lui permettant de prolonger que sa misérable vie.
En résumé, si cette oeuvre est extrêmement vaste et lourde de sens, elle dénonce à juste titre (et sans en faire trop !) les problèmes d’une société basée sur la surconsommation avec un coût moindre, empêchant les moins qualifiés de vivre. Je ne saurais que vous conseiller d’aller voir ce petit film très court et pourtant si prenant !
Lucien_Lecomte
9
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le 9 sept. 2015

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Lucien Lecomte

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