Adieu Berthe - L'enterrement de mémé par Patrick Braganti
Juché sur sa trottinette électrique, Armand se déplace sans cesse entre la pharmacie qu'il tient avec sa femme et le domicile de sa maîtresse où il prépare le prochain anniversaire de la petite fille de celle-ci en répétant des tours de magie. Dans cette existence sans prise de décision, la disparition de Berthe, la grand-mère quelque peu oubliée, sert de détonateur ou, pour le dire avec moins de violence, de déclencheur pour le petit garçon qu'est resté Armand, materné par ses deux femmes et houspillé par une belle-mère qui tient les cordons de la bourse. Événement en soi tragique qui permettra peut-être à l'apothicaire indécis et immature de grandir et de prendre sa vie en main en assumant ses envies et ses choix.
Le nouveau film de Bruno Podalydès véhicule en effet son lot de malheurs : décès, maladie d'Alzheimer (du père d'Armand), adultère et séparation envisagée. Pourtant le ton n'est absolument pas au tragique, mais bien plutôt à la comédie légère, douce-amère, inventive et surtout terriblement tendre. Que ce soit en visite aux pompes funèbres ou à la maison de retraite où mourut Berthe, rien n'est jamais dépeint avec tristesse et gravité, mais au contraire avec légèreté et humour. Car toujours balançant entre deux options, Armand hésite entre crémation et inhumation, entre un croque-mort professionnel aux prestations haut de gamme et un pragmatique qui fait aussi bien dans le genre humain que l'espèce animale. Tout ceci est donc d'abord drôle et enlevé, avec peut-être quelques scènes qui ne fonctionnent pas trop bien comme l'irruption d'une veuve inconsolable et collante au cimetière, avant de devenir plus profond et nostalgique lorsque les affaires de Berthe révèlent une passion ancienne et secrète pour...un magicien. Il y a dans ce joli film bien écrit à l'atmosphère champêtre et presque désuète un motif récurrent et le goût affirmé pour un univers. Le motif, c'est sans conteste celui de la boite : celle que construit autour de sa tête Armand avant que sa maîtresse n'y enfonce des couteaux, les cercueils bien sûr aux formes révolutionnaires qui ont fait la réputation de l'entreprise Définitif, la malle indienne qui renferme les secrets de la grand-mère et deviendra l'accessoire des tours de magie imaginés par Armand. Puisque l'univers dans lequel Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé est entièrement baigné est celui de la prestidigitation. C'est bien elle et la fascination pour les sortilèges et tout le décorum qui les accompagne qui relient Armand à son aïeule délaissée. Mais la gestuelle du méphistophélique directeur de Définitif faisant apparaître et tournoyer les cercueils comme au cirque emprunte beaucoup à celle des magiciens. L'irrationnel et le buissonnier conviennent parfaitement à ce film libre et inventif, traversé par un tas de personnages secondaires interprétés par les membres de la Comédie Française.
Denis Podalydès, frère du réalisateur avec lequel il collabore de plus en plus, excelle à jouer les héros lunaires et tendres, un peu inadaptés au monde moderne, mais réussissant toujours à s'en débrouiller. À ses côtés, Valérie Lemercier, une nouvelle venue dans la bande du réalisateur de Bancs Publics, apporte son énergie et son humour à la fois grivois et pince-sans-rire. Davantage prévisible dans la première partie (Armand devant organiser les funérailles de sa grand-mère en ménageant tout le monde), le film convainc franchement lorsqu'il prend la tangente, au propre comme au figuré, et se charge d'une douce mélancolie propice à l'apaisement et à la réconciliation. Beaucoup de charme et d'inventivité dans Adieu Berthe, fourmillant d'idées, bien moins superficiel qu'il y paraît.