Je m'attendais à rien de particulier, au final j'ai trouvé le film complétement magnifique.
L'audace du film est à trouver dans son approche frontale mais jamais terre-à-terre d'un sujet qui l'est tout autant. Podalydès parvient à faire de son film une douce ballade aérienne, ludique et légère.
Pourtant, Adieu Berthe reste un film très torturé. La distance volontaire instaurée entre des personnages qui ne sont pas des personnages, plutôt des incarnations d'idées construits uniquement sur des trouvailles de mise en scène, cette façon de balayer constamment ce qui pourrait amener vers une émotion connue et humaine, donne au film une certaine beauté, un peu étrange, hybride, constamment entre-deux. Adieu Berthe est, en ce sens, un film repousse les limites même de la figuration de l'émotion au cinéma, cherchant à en faire germer une autre, plus inattendue, qui ne serait atteinte et analysable que par l'absurde. Ainsi, ces moments cocasses et rigolos qui ponctuent le film arrivent à être à la fois drôles et bouleversants. La scène du mulot - que je ne révélerai pas - représente bien cette idée d'être constamment sur le fil des sentiments, entre ridicule avoué et sincérité secrète.
Le film reste jusqu'au bout clair comme de l'eau de roche, mais terriblement obscur dans sa linéarité même, sa désincarnation progressive, son évacuation de tout sentiment humain. Il joue constamment de ce paradoxe, se ponctue lui-même de plusieurs lectures et pistes d'analyses possibles.
C'est d'abord ce qu'on pourrait appeler avec malice "un film de boite". De boites, il en est rempli. Dans chaque plan, une boite, refermant corps, esprits, idées, objets concrets ou abstraits. C'est sur une tête enfermé dans une boite que le film s'ouvre, délivrant alors dès l'ouverture une sorte d'inquiétude sous-jacente : durant tout le film, il faudra accepter de suivre des personnages justement enfermés dans leur "boite", dans leur univers à eux, incapable de trouver une osmose entre eux-même et les autres, entre les autres et eux-mêmes : c'est ce qu'illustre parfaitement le personnage d'Armand, incapable de prendre une décision, de choisir entre deux choix de vies.
Adieu Berthe est aussi un film qui lie deux thèmes a priori différents et incompatibles : la technologie moderne, l'art du business, aux choses vieilles comme le monde comme la mort et le temps qui passe. C'est la piste la plus intéressante du film. Ainsi, ces écrans colorés affichant les textos envoyés par les différents personnages, cette agence de pompes funèbres ressemblant au hall d'un immeuble de "Playtime" ; se doivent de cohabiter avec des questions et des dilemmes qui n'appartiennent qu'aux mots et aux esprits : comment gérer un amour pour deux femmes, comment gérer la mort de sa grand-mère, "qu'est-ce que vouloir ?". Adieu Berthe ne parle que de cela, que de cette crainte là, celle de voir nos disparus tant ignorés se faire aimer par une technologie qui nous dépasse et qui a finalement sans doute plus d'amour à leur donner que nous. Tout cela en fait rire certains, moi je trouve ça d'une tristesse, d'une beauté, d'une douleur infinie...