Bon. J'ai vu Adieu les cons. Ca fait quelques mois qu'il me faisait envie. Je n'ai pas beaucoup de temps pour écrire cette critique, à chaud, que je risque de peiner à formuler. Alors on va s'efforcer d'y voir clair...
Clair comme le jeu de Virginie, limpide, solaire malgré la tristesse désespérée de son personnage. Je crois que le film lui doit beaucoup - qu'avec Albert, elle le porte sur ses épaules, elle fait vivre ce personnage duquel transparaît une tendresse d'un désespoir infini, sans non plus sombrer dans le pathos pour cette quarantenaire au bord de la mort, qui semble aborder ses derniers instants avec une certaine philosophie voire lucidité, jusqu'à entamer une quête effrénée pour retrouver son fils, accouché sous X 28 ans auparavant.
Pour ça, merci Virginie. Parce que j'ai pris beaucoup de plaisir à voir le film, malgré les facilités scénaristiques, malgré la fin grandiloquente. En fait, au-delà du côté mélodrame ou vaudeville, il y a le jeu, l'intensité, l'émotion et la sincérité crevants d'Albert Dupontel et Virginie Efira qui m'ont personnellement mis du baume au coeur à ne plus savoir qu'en faire. Dupontel a désormais sa patte cinématographique d'une grande richesse : un Jean-Pierre Jeunet plus moderne, plus noir a priori, qui prend de face les problèmes de société que notre monde absurde et consumériste impose. La satire de la bureaucratie et du management fonctionne à merveille, on a presque l'envie désespérée de se retirer dans une petite bourgade esseulé comme le fils de Suze - aussi émotionnellement désemparé que sa mère biologique, et d'écrire des poèmes contestataires contre les cons. Les cons semblent ici être les autres, ceux qui rentrent dans le moule, les agelastes des temps modernes qui n'ont pas envie d'y croire, d'adhérer à la symbiose des trois protagonistes déjantés et burlesques dont les destins se croisent inlassablement. Je l'ai dit, les facilités scénaristiques sont déconcertantes, et la fin peut-être un peu trop (trop quoi, je ne sais pas bien...) mais la beauté du film réside précisément dans l'émotion et la sensibilité que dégagent les protagonistes à chaque instant, par leur grain de folie dans un monde insensible relégué ici à la franche caricature. Déconcertant mélodrame satirique, Adieu les cons propose avec une certaine efficacité une fable sur notre monde moderne, sur l'existence et le besoin de se resserrer autour des choses essentielles de celle-ci - la chaleur d'un foyer qu'on a oublié à cause d'une maladie de la mémoire, la solidarité dans le monde du travail, des capacités sensorielles qui, atrophiées, ouvrent de nouvelles possibilités ontologiques, l'amour d'un fils arrivé trop tôt qu'on regrette de n'avoir jamais connu ou celui pour une collègue qu'on n'osera jamais avouer, en clair : l'instant et les émotions présents. Outre certains protagonistes caricaturaux et quelques procédés grandiloquents, je crois qu'Adieu les cons marche par la sincérité appuyée de son propos - une sorte de carpe diem, d'ode à la folie dans un objet cinématographique travaillé, mesuré au millimètre près, que sert un montage impeccable et une écriture bien pensée. Dupontel manie le mélange des registres d'une main de fer, certains plans sont exagérément beaux et la forme sert toujours le fond. J'ai pris beaucoup de plaisir à regarder cette quête existentielle effrénée, je le redis, même si j'ai parfois je l'avoue méchamment pouffé de rire face au grotesque de certains rebondissements j'ai été saisie par l'émotion, l'affection, l'amour qui transparaît dans le scénario, le jeu et la réalisation. Alors merci Albert. Et Virginie aussi, et longue vie à ce cinéma sensible et humain qui fait tant de bien.